Des sources officielles affirment que Kampala ne paiera peut-être jamais de réparations, malgré la décision de la Cour internationale sur l’occupation ougandaise de la province de l’Ituri.
Anonyme - International Justice - ICC
7 Aug 07
Alors que l’Ouganda s’apprête à commencer des négociations avec la République démocratique du Congo, RDC, sur les réparations pour le pillage des ressources de son voisin, et la commission d’atrocités sur son territoire entre 1996 et 2001, un haut responsable de Kampala a suggéré que les pourparlers risquent de s’achever sans qu’un quelconque paiement soit octroyé.
En décembre 2005, la Cour internationale de Justice, CIJ, à La Haye, a conclu a la culpabilité de l’Ouganda pour le meurtre et la torture de civils, la destruction de villages et le pillage de ressources naturelles au cours de son occupation du nord-est de la République démocratique du Congo pendant 5 ans.
La RDC pourrait recevoir des réparations à hauteur de dix milliards de dollars US, mais l’indemnisation doit être opérée au moyen de négociations bilatérales entre les deux Etats.
Certains analystes affirment qu’il sera presque impossible de mettre en œuvre une décision d’indemnisation, alors que les experts en droit international mettent en garde sur le fait que le processus de négociation risque de prendre tellement de temps que de nombreuses années pourraient s’écouler avant qu’un règlement ne soit conclu.
La RDC avait affirmé devant la CIJ que Kampala était responsable des atrocités commises contre les civils et du pillage de ses ressources lorsque l’Ouganda avait envoyé ses troupes au nord-est de la RDC, soi-disant pour se battre contre les insurgés de l’Armée de résistance du seigneur qu’ils affirmaient savoir y être basés.
Kinshasa avait affirmé que l’Ouganda était entré sur son territoire et l’avait occupé de manière illégale.
La CIJ est l’organe judiciaire principal des Nations Unies, et elle opère à La Haye depuis 1946, résolvant des différents juridiques entre des Etats souverains. Elle ne doit pas être confondue avec la Cour pénale internationale, CPI, basée à La Haye qui a commencée à être opérationnelle en 2002 seulement, et se focalise sur les crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
Dans leur décision de 2005, les juges de la CIJ ont soutenu que l’Ouganda avait violé la souveraineté du Congo en l’envahissant, en occupant son territoire dans la province nord-est de l’Ituri, et en apportant un soutien militaire, financier et logistique aux rebelles congolais au sein du pays entre 1998 et 2002. La Cour a également soutenu que l’Ouganda était responsable pour le pillage de l’or, des diamants et de l’argent, et pour les violations des droits de l’homme commises par ses forces armées, y compris le meurtre, la torture et l’entraînement d’enfants soldats.
La CIJ avait ordonné à l’Ouganda de « réparer le préjudice causé », mais n’avait pas indiqué de somme précise. Au lieu de cela, les deux pays furent invités à négocier un accord et à revenir ensuite devant la CIJ.
« Ce chiffre [10 milliards de dollars] a été énoncé mais il n’était pas concluant », comme l’a indiqué Isaac Musumba, ministre de la coopération régionale ougandais à l’IWPR. « Cela va faire l’objet d’une nouvelle discussion et d’un nouvel arbitrage ».
« Ce que les gens devraient savoir c’est que nous évoluons désormais vers la normalisation des relations diplomatiques. Nous travaillons avec le gouvernement du Congo et nos présidents se sont entretenus ».
L’Ouganda tout comme le Rwanda a envoyé des troupes dans ce qui fut un jour le Zaïre et écarté le gouvernement de feu Mobutu Sese Seko pour y installer Laurent Kabila à sa place comme président de la RDC, en 1997. Même si Kabila s’était par la suite brouillé avec le Rwanda et l’Ouganda, les deux pays gardèrent des troupes stationnées dans une grande partie de l’est et du nord-est du pays.
Laurent Kabila fut assassiné en janvier 2001 et son fils Joseph Kabila, l’actuel président de la RDC lui succéda.
Le Rwanda et l’Ouganda furent conjointement accusés d’avoir pillé les ressources minérales et forestières importantes de la RDC, et d’avoir armé diverses milices rivales, ce qui a résulté en un massacre ethnique dans la région de l’Ituri.
Le massacre collectif en Ituri a été comparé, du point de vu de l’intensité, si ce n’est de l’envergure, à la violence qui a touché le Rwanda voisin en 1994.
Les agriculteurs Lendu en Ituri se considèrent comme des parents des Hutus rwandais, alors que les Hema, éleveurs de bétail s’identifient aux Tutsis. De la même manière que les Hutus et les Tutsis furent les sujets d’un conflit meurtrier au Rwanda, les Lendu et les Hema suivirent leur exemple. D’une population d’environ quatre millions en Ituri, les Nations Unies estiment que plus de 60,000 personnes ont été tuées dans le conflit mené par les milices depuis 1999, alors qu’un demi million ont été forcées à fuir leur maisons, et ont été soumises à la violence au cours de leur fuite.
Thomas Lubanga Dyilo, chef d’une milice Hema appelée l’Union des Patriotes congolais fut arrêté et placé en garde à vue par les autorités de la RDC suite au meurtre et à la mutilation en février 2005 de neuf soldats bangladais qui faisaient partie de la force de maintien de la paix des Nations Unies en Ituri.
Le gouvernement de la RDC a demandé à la CPI d’enquêter sur la situation dans l’est du Congo, et en résultat Lubanga a été envoyé à La Haye en mars 2006. Il devrait être jugé à la CPI pour des chefs de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre.
Le conflit interethnique complexe et déconcertant en Ituri – qui s’étend au delà des Hendu et des Hema pour comprendre au moins 18 autres groupes tels que les Bira, Gegere et Ngiti – a été exacerbé par l’armée ougandaise, qui a soutenu les Hema lorsqu’il a virtuellement annexé la province en 1999 et pillé les riches gisements minéraux de la région.
Human Rights Watch a accusé l’Ouganda d’avoir été à la fois « pyromane et pompier » en Ituri.
« Au cours de ces quatre années d’occupation du nord-est de la RDC, l’armée ougandaise a prétendu être un acteur pacifiste dans une région déchirée par un conflit ethnique », a déclaré le groupe basé à New York. « En réalité, l’armée ougandaise a provoqué une confusion politique et créé de l’insécurité dans des zones sous son contrôle. A partir de son engagement initial dans un conflit territorial entre les Hema et les Lendu, l’armée ougandaise a plus souvent aggravé que calmé les hostilités ethniques et politiques ».
Human Rights Watch estime que les militaires ougandais ont volé plus de neuf millions de dollars d’or à l’Ituri entre 1999 et 2003.
« L’Ouganda est le premier exportateur d’or dans cette zone, alors qu’il n’en possède aucune. Vous pouvez me dire comment cela se fait? », a questionné un responsable du renseignement militaire des Nations Unies, qui a ajouté que les milices d’Ituri continuent à alimenter le commerce illicite.
En résultat de la pression internationale, l’Ouganda a retiré ses soldats de la RDC en 2003, et les soldats de maintien de la paix des Nations Unies y ont été déployés.
Bien que la CIJ ait requis que des réparations soient accordées, et indiqué qu’elle décidera de la question si les deux Etats manquaient à trouver un accord, il est toujours loin d’être clair à combien - le cas échéant - s’élèvera la somme payée par le gouvernement ougandais au final.
« Le Congo a amené l’Ouganda devant la CIJ pour des raisons d’ingérence économique et politique sur son territoire par l’Ouganda », a indiqué Godfrey Wanzira, un expert en droit international basé à Kampala à l’IWPR. « L’essentiel de l’histoire est que la RDC a supplié pour obtenir des réparations ».
Bien que les avocats de la RDC aient fait ce que Wanzira appelle « une suggestion hésitante » de 10 milliards de dollars, le fait que aucun règlement n’a été imposé ou fait l’objet d’un accord signifie qu’il y a une marge de manoeuvre pour que les parties au différent négocient et se brouillent
« Elle a laissé aux parties le soin de négocier, en laissant la voie libre à un règlement politique. Les juges de la CIJ ont laissé des zones en suspens. Un accord négocié pourrait être trouvé, mais si l’Ouganda manque de payer, ouvertement ou indirectement, cela va donner lieu à une série de problèmes diplomatiques », a-t-il dit.
Selon Wanzira, la CIJ avait les pouvoirs légaux pour rendre un verdict sur la mise en œuvre d’un accord. « Mais de quelle manière les avocats de la RDC feraient-ils respecter le paiement? » a-t-il demandé. « Vendraient-ils les biens que l’Ouganda possède au Congo ? Juridiquement, il est possible de faire valoir un arrêt de la CIJ mais en pratique, cela ne marche pas. Cela pourrait conduire à une dégradation des relations ou même à la guerre ».
L’avocat a noté qu’il y avait de nombreux jugements similaires pendants ailleurs dans le monde, et que nombre d’entre eux s’étaient soldés en accords politiques et compromis entre les gouvernements impliqués, plutôt que par des versements d’argent.
« L’Ouganda pourrait prétendre que le montant est trop élevé et cela va prendre des années et des années pour que les parties s’accordent sur le montant », a-t-il ajouté.
Des responsables ougandais affirment qu’ils s’étaient auparavant retenus d’engager des pourparlers parce qu’ils attendaient qu’un gouvernement soit élu à Kinshasa.
En 2006, la RDC a tenu ses premières élections démocratiques en au moins 40 ans, qui ont vu l’élection d’un nouveau parlement désigné en juillet et Joseph Kabila élu président au second tour en octobre.
« Le gouvernement ougandais n’a pas payé la moindre somme à la RDC depuis la décision de la Cour internationale de Justice étant donné que depuis ce moment là [décembre 2005], il n’y a pas eu de gouvernement élu », comme l’a indiqué le ministre de l’information Ali Kirunda Kivejinja à l’IWPR. « Nous avons jusqu’ici attendu un gouvernement élu en RDC ».
Pour Wanzira, cependant, les responsables de la RDC se doutent probablement que Kampala ne paiera jamais de réparations. Au lieu de cela, il pense qu’ils ont amené cette affaire devant la CIJ pour « des raisons symboliques, pour montrer que ces gens ont eu tort d’occuper notre territoire ».
Henry Wasswa,IWPR-Ouganda
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