1. La responsabilité de la CEI dans la violation de la constitution est engagée
Primo, à s’y méprendre, en effet, il y a lieu de penser à une tentative d’usurpation des pouvoirs constitutionnels du chef de l’Etat, du Parlement (présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale, d’un dixième des membres de chacune des chambres parlementaires), des gouverneurs des provinces et des présidents des assemblées provinciales, habilités à saisir la Cour constitutionnelle (la Cour suprême de justice) en matière de recours en interprétation de la Constitution.
De quoi s’agit-il sur le fond ? C’est qui en cause, à travers la décision de la CEI, c’est bel la question de l’interprétation de la Constitution sur l’opportunité ou non d’organiser les élections hors délais constitutionnels (au sens de l’article 73) avec la prolongation incidente du mandat présidentiel voire parlementaire, par une la loi circonstancielle.
Or, le droit sinon le devoir de la CEI eut été, après avoir obtenu des informations et des expertises fiables attestant l’impossibilité matérielle pour la CENI d’organiser les élections présidentielles dans les délais constitutionnels, de faire des propositions techniques aux institutions habilitées à cet effet, et non point de se substituer à elles en les plaçant devant un fait accompli : un calendrier électoral hors délais constitutionnels à prendre ou à laisser.
Secundo, en créant de toutes pièces un vide juridique soit par incompétence, soit par irresponsabilité de la CEI agissant seule ou avec la complicité d’autres institutions de la République, il y a risque de provoquer une crise politique aux conséquences redoutables pour un pays post-conflit, portant encore les stigmates des guerres à répétition, justifiées ou non par la conquête du pouvoir d’Etat et les ressources correspondantes.
Dans cette optique, le fait pour une institution transitoire de prendre délibérément une décision anticonstitutionnelle : « Le scrutin pour l’élection du président de la République est convoquée par la CENI, 90 jours avant l’expiration du mandat du président en exercice » (article 73), quitte à demander aux Congolais éventuellement mécontents de s’adresser à la Cour suprême de justice, pour la contester, selon les propos de son président, est une insulte à la nation et au bon sens. Outre le constat selon lequel la CEI est mieux placée pour savoir qu’aucune institution de la République n’a le droit de violer la Constitution, la référence à l’article 55 de la Loi organique créant la CENI, n’est qu’un pis aller. Selon la coutume dans toutes les sociétés civilisées, une institution chargée de gérer les affaires courantes, ne peut en aucun cas, prendre une décision dépassant le cadre de ses compétences.
Tertio, quels que soient les prétextes, la CEI est en pleine illégalité depuis bien longtemps. D’une part, parce qu’elle a déjà été dissoute de plein droit en tant qu’institution d’appui à la démocratie, selon l’article 222 de la constitution. Elle aurait dû tirer sa révérence après un devoir accompli; d’autre part, elle n’a pas rempli le contrat d’organiser les élections locales dans les délais constitutionnels, pour prétendre, toute honte bue, justifier la prolongation illégale de son mandat par la Cour suprême de justice.
2. La décision de la CEI risque de porter atteinte à la crédibilité de la parole du chef de l’Etat
Circonstances aggravantes, cette décision anticonstitutionnelle est annoncée par la CEI, au moment où le chef de l’Etat est sorti du bois, à son corps défendant, pour rassurer l’opinion nationale et internationale inquiète du retard pris par les préparatifs des élections et dissiper les malentendus.
Puisque la démocratie, fut-elle balbutiante et chaotique, fonctionne sur le principe de bonne foi, il est plausible de penser que le Président de la République n’est pas derrière cette cabale anticonstitutionnelle pour trois raisons au moins : -
Primo, pour créer les conditions de la victoire qu’on lui prédit, il a tout intérêt à consolider la paix à l’intérieur et à l’extérieur des frontières nationales, et éviter tant s’en faut une crise constitutionnelle voire politique dont on connait le début et jamais la fin. Alors, pourquoi prendrait-il le risque de se tirer une balle dans le pied ? La promulgation de la loi organique créant la CENI le 28 juillet 2010, accréditerait pareille thèse dont la conséquence logique serait de mettre fin à l’agonie de la CEI. Dans cette hypothèse, la décision anticonstitutionnelle de la CEI serait-elle l’expression de la panique à bord confirmant l’instinct de survie ? S’agit-il d’autre chose ? Rien n’est moins sûr !
Secundo, le 30 juillet 2010, le président de la République a présidé l’Interinstitutionnelle et réaffirmé avec solennité que « les élections se tiendront dans les délais constitutionnels ». Et ce, dans le respect de sa charge constitutionnelle prévue à l’article 69, selon laquelle « Le président de la République veille au respect de la constitution ».
Tertio, quelques mois plus tôt, il a accepté la transformation de la MONUC en MONUSCO par le Conseil de sécurité, avec une clause stipulant que la « MONUSCO pourrait à la demande expresse des autorités congolaises et dans les limites de ses capacités et de ses ressources, assister les autorités dans le prochain processus électoral, notamment en apportant un soutien technique et logistique à l’organisation des élections nationales et locales ».
A la lumière de ces signes des temps, le président de la République serait la première victime de la cabale anticonstitutionnelle de la CEI : il n’a rien à gagner mais il a tout à perdre face à l’opinion nationale et internationale.
L’opposition aphone et déboussolée pourrait-elle mettre à profit ce coup du sort pour se requinquer ? Nul ne sait ! Cependant, le moins que l’on puisse dire est qu’elle a raison sur le fond de donner de la voix contre la violation de la Constitution, considérée par tous les Congolais de l’intérieur et de la diaspora comme une menace grave à l’intégrité territoriale de la RDC, face aux agendas cachés de balkanisation.
L’intérêt bien compris de la majorité présidentielle sinon son devoir sacré serait également de s’opposer à toute tentative de violation de la constitution, si elle tient d’une part à réaffirmer son adhésion aux valeurs démocratiques et républicaines d’une part ; ne pas ruiner le capital de confiance de son champion, avant même que la bataille n’ait commencée d’autre part.
Ainsi, désavouer la décision anticonstitutionnelle de la CEI, c’est accomplir un devoir sacré en faveur du Congo et de tous les Congolais, en maximisant les opportunités et en minimisation les vulnérabilités.
Professeur Mwayila Tshiyembe
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