A Bunia, en Ituri, l’administration locale a pris une mesure pour réglementer la dot qui faisait l'objet de surenchères, non-conformes à la coutume. Désormais la valeur des vaches et chèvres qui représentent la dot est fixée précisément. L’autorité espère ainsi pousser les jeunes à se marier vite sans être tentés de rejoindre un groupe armé...
"Plus d’une fois j’ai tenté d’apporter ma dot à ma belle famille. Mais elle me demande 20 vaches au lieu de 4 comme l’exige leur coutume, au prix de 450 $ par bête !", se plaint devant le juge, un quadragénaire qui cohabite avec sa femme depuis plusieurs années déjà, et qui a de la peine à régulariser leur union. A Bunia, chef-lieu du territoire de l’Ituri au nord-est de la Rd Congo, de nombreux prétendants au mariage sont en but en effet à l’arbitraire des familles qui marient leurs filles et fixent souvent à leur guise le montant de la dot. Pour mettre fin à la surenchère constatée dans ce domaine, l’administration locale a adopté, depuis 2007, une nomenclature qui détermine la valeur de la dot qui doit être conforme à la coutume. Dans cette région où l’élevage constitue la principale richesse des villageois et où la dot est généralement exprimée en terme de tête de bétail à payer, les autorités ont ainsi fixé entre 100 et 150 $ la valeur d’une vache, et entre 50 et 70 pour une chèvre.
Selon Kwonke Wamara, secrétaire à la cité de Bunia, cette décision a aussi été prise pour "amener les habitants à se marier vite et tôt, car certains jeunes célibataires étaient exposés à l’enrôlement facile dans des groupes armés." Pour toucher toutes les couches de la population de ce vaste territoire longtemps déchiré par de sanglants conflits armés, la mesure a été largement diffusée par les medias locaux.Retour aux bonnes vieilles coutumesLa surenchère de la dot souvent perçue dans les villes comme une source d’enrichissement de la famille de la mariée, avait aussi fini par gagner les villages en Ituri pourtant connus pour leur fort attachement aux coutumes. "Traditionnellement, la course au statut social explique la propension des paysans à maximiser leur troupeau et le pâturage qui constitue un patrimoine familial", explique Delé Mbidado, chef de groupement Babuchuka, de la communauté Bira, l’une des grandes tribus de ce district. Animatrice à la Radio canal révélation de Bunia, Nkusu Tambwe décrit une scène vécue à Yambi Yaya, un quartier au nord est de la cité : "Une famille a demandé à un jeune de payer 10 vaches et 20 chèvres ou l’équivalent en espèces (400 $ par vache et 100$ par chèvre). La famille de l’époux s’est sentie humiliée et a préféré retourner sans manger ni boire ce qui était prévu pour eux".
Selon le greffier au tribunal coutumier de l’Ituri, Baudouin Aguma Takole, le rituel de la dot varie selon la tribu de la jeune fille. Ainsi, chez les Hema, il faut verser 5 vaches contre 4 chez les Lendu et les Alur, et 3 chez les Bira. Depuis la décision de l’administration, il affirme que les gens commencent à respecter ces règles. "C’est une mesure à soutenir, se réjouit Matthieu Nduru, un chef du quartier. Car l’intervention de l’Etat a réglé tant soit peu le problème, certains paysans ayant commencé à imiter naïvement la mentalité mercantile des citadins".
Les couples s’officialisentErnest Pingonya, un jeune qui se prépare au mariage s’en félicite : "Grâce à cette réglementation, j’ai pu donner les 4 vaches que la belle famille m’avait exigées, à raison de 100 $ par bête. Maintenant, je me prépare à célébrer le mariage civil et religieux". Le Chef de Gizi, un village voisin de Bunia, encourage les habitants de sa localité à marier leurs filles conformément à la coutume de chaque ethnie tout en respectant la décision de l’autorité administrative. Depuis que l’administration s’est impliquée dans cette affaire, Jean Pierre Kirocha de l’état-civil de Bunia, constate que, de nombreux couples jusque-là non déclarés viennent régulariser leur union. "Nous enregistrons 15 à 20 déclarations de mariage par semaine", affirme-t-il. De nombreux couples cohabitent en effet depuis longtemps sans avoir formalisé leur union et donc sans avoir versé la dot, qui était devenu un casse-tête pour eux.
...A Kinshasa, le mariage civil coûte (aussi) cher :
une chaise en plastique, un casier de bière, une bouteille de whisky et de l’argent en espèce (50 à 75 $) sont souvent exigés des futurs mariés avant la célébration du mariage par l’officier de l’état-civil. D’autres réclament jusqu’à 150 $. Ces dépenses supplémentaires ne sont pas toujours du goût des mariés, dont certains ne cachent pas leur mécontentement à la sortie du bureau de l’officier de l’état-civil. "Toujours de l’argent, ils n’ont pas un autre mot à la bouche. Ils ne nous facilitent pas la tâche", enrage le jeune Bulanda qui sort à peine de l’Université. "Je le fais parce que j’ai hâte de prendre ma femme, sinon c’est inacceptable", proteste Grégoire Ndala, la trentaine révolue.
D’après Didier Tenge Litho, bourgmestre de la commune de Kintambo, les chaises qu’ils demandent "remplacent celles qui ont vieilli en attendant l’achat des meubles appropriés pour nos bureaux." Pourtant, dans d’autres communes, elles prennent une autre destination. Un bourgmestre explique qu'un de ses prédécesseurs avait collecté 300 chaises qu’elle louait pour diverses manifestations, et renflouait ainsi ses poches. "Pour cette raison, j’exige 10 000 Fc (12 $) à la place de la chaise en plastique", dit-il. Mais en dépit de l’argent que perçoivent les services de l’état-civil, les conditions d’accueil lors du mariage laissent à désirer : manque de sonorisation, absence d’aération, manque de place… Les personnes qui accompagnent les couples sont souvent obligées de rester debout… faute de chaises.
(Syfia Grands Lacs/RD Congo)
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