EXPLORATION PÉTROLIÈRE EN ITURI : ÉVALUATION DES RISQUES LIÉS AUX DROITS DE L’HOMME ET DES RISQUES DE CONFLIT DANS LE BLOC III
JUILLET 2014
À propos d’International Alert
International Alert aide les populations à trouver des solutions pacifiques aux conflits. Nous sommes l’une des plus importantes organisations de consolidation de la paix au monde et nous bénéficions de près de 30 ans d’expérience dans ce domaine. Nous travaillons avec les populations locales du monde entier et les aidons à bâtir la paix. Nous conseillons également les gouvernements, les organisations et les entreprises sur la façon dont leurs politiques et activités peuvent soutenir la paix. Nous nous concentrons sur les questions qui affectent la paix, dont le changement climatique, l’économie, le genre et la gouvernance ainsi que le rôle des entreprises et des organisations internationales dans les régions à haut risque. Pour un complément d’information sur notre travail et les pays où nous sommes présents, veuillez visiter www.international-alert.org
À propos du Reseau Haki na Amani (RHA)
Le RHA est une organisation non gouvernementale congolaise de Paix et rapprochement entre les communautés, qui a vu le jour en 2004 sous l’impulsion de Pax Christi Pays-Bas. A la sortie de la meurtrière guerre ethnique qui a opposé les communautés locales de 1998 à 2004, des associations locales et des églises se sont mis ensemble pour contribuer à la pacification et à la réconciliation entre les communautés de l’Ituri. Aujourd’hui sept organisations sont membres à savoir ; la CDJP Mahagi, La CDJP Bunia, CPJP Mambasa, ECC Synode de l’Ituri, ACIAR, FOMI et CIC.
Le RHA intervient principalement dans les domaines suivants : démocratie et bonne gouvernance; sécurité communautaire; réconciliation; conflits fonciers; ressources naturelles.
Le RHA est présent dans tous les cinq territoires de l’Ituri, et intervient grâce aux associations membres du réseau et à travers les stratégies suivantes : Analyses de contexte et études diverses, structures partenaires présentes dans les 5 territoires, espaces de concertations et des dialogues entre les parties prenantes, et le plaidoyer à différents niveau.
SOURCE:
© International Alert/Reseau Haki na Amani 2014
Mise en page et illustration : Nick Purser
TABLE DES MATIÈRES
1. INTRODUCTION 4
2. CONTEXTE 6
3. RÉSULTATS 8
3.1 Situation sécuritaire au sein et autour du Bloc III et impact potentiel sur la
population et sur les activités de Total E&P RDC 8
3.2 Tensions intercommunautaires et dynamique des conflits locaux 11
3.3 Représentation des parties prenantes auprès de Total E&P RDC et processus de
consultation et de communication de Total E&P RDC auprès de ces parties prenantes 14
3.4 Perceptions, attentes, préoccupations et promesses perçues 16
3.5 Capacité et volonté de l’État à contrôler les activités industrielles et à garantir le
respect de la loi 18
3.6 Performances des sous-traitants employés par Total E&P RDC 19
4. CONCLUSION 21
4.1 Recommandations pour Total E&P RDC 21
4.1.1 Sécurité 21
4.1.2 Tensions intercommunautaires et dynamique des conflits locaux 22
4.1.3 Représentation, consultation et communication ; gestion des perceptions,
des attentes et des rumeurs 24
4.1.4 Performances des sous-traitants 26
4.2 Recommandations aux parties prenantes de la société civile et aux chefs de
communauté à Bunia 26
1. INTRODUCTION
International Alert et le réseau Haki na Amani ont réalisé pour le compte de Total E&P RDC – filiale de la multinationale pétrolière et gazière française – une Évaluation des droits de l’homme et des risques de conflit dans le Bloc pétrolier III du Graben Albertine, en République démocratique du Congo (RDC), d’août à novembre 2013. Total E&P RDC est l’exploitant (doté de 66,7 % des parts) du Bloc III, qui se situe à cheval sur la partie nord de la province du Nord-Kivu et la partie sud de la province Orientale, dans le district de l’Ituri. Trente-sept pour cent du Bloc III se trouve dans le parc national des Virunga.
Total E&P RDC prévoit de lancer une étude d’acquisition de données sismiques 2D dans le but de recueillir des données sismiques 2D entre la région située à l’ouest de la rivière Semliki (zone formant la frontière avec l’Ouganda) et les escarpements des monts Bleus, à l’extérieur et au nord du parc national des Virunga. La première phase d’exploration, qui comprend l’acquisition de données sismiques, permettra d’obtenir des connaissances exactes sur les structures géologiques de cette partie du Bloc III, qui n’a jusque-là fait l’objet d’aucune étude sismique. Si ces travaux sont concluants, l’acquisition sismique conduira à la mise en œuvre d’un forage d’exploration. L’étude portera sur une zone de seulement 560 km², et prendra entre quatre et six mois à compter du second semestre 2014. L’étude sismique est une méthode de prospection pétrolière qui s’appuie sur l’analyse des ondes sismiques reflétées dans les différentes strates souterraines. Il s’agit de créer une onde acoustique (choc) à la surface et de mesurer le temps d’arrivée de l’écho à l’aide de différents capteurs également placés à la surface. Les informations ainsi obtenues permettront d’établir le profil des différentes strates et donc de connaître leur capacité à identifier un réservoir d’hydrocarbures (pétrole ou gaz).
Cette évaluation doit permettre à Total E&P RDC de mieux appréhender l’environnement complexe en RDC, en particulier au sein et autour du Bloc III. Elle devrait aider Total E&P RDC à s’assurer que ses opérations d’exploration soient sensibles à cette dynamique, réduisent les éventuels effets négatifs, tout en maximisant le potentiel des impacts positifs. L’évaluation vient compléter l’Évaluation d’impact environnemental et social (ESIA) réalisée par Total E&P RDC puis présentée aux acteurs de la société civile ainsi qu’à d’autres parties prenantes lors d’une réunion organisée en juin 2013 à Bunia. Bien qu’International Alert et le Réseau Haki na Amani aient effectué les travaux de recherche pour le compte de Total E&P RDC, ces deux organisations restent indépendantes de Total dans leur travail, leurs analyses et leurs opinions.
Ce rapport résume les résultats de l’Évaluation des droits de l’homme et des risques de conflit. Il a été rédigé dans un esprit de transparence et pour servir de document de référence à l’usage de la société civile et des autres parties prenantes intéressées qui interviendront dans la surveillance de l’exploration pétrolière du Bloc III et lors de consultations avec Total E&P RDC.
ENCADRÉ 1 : Méthodologie
Après une étude documentaire, une équipe de recherche de quatre personnes a conduit, d’août à septembre 2013, 40 entretiens semi-directifs auprès d’un total de 68 parties prenantes à Bunia, Kisangani et Kinshasa. Parmi ces parties prenantes figuraient des agents du gouvernement, des députés, des chefs de communautés, des représentants de la société civile (clergé, ONG, etc.), des militaires, des policiers et des agents de l’ONU.
Le travail de terrain effectué dans le Bloc même a été repoussé à novembre 2013 pour des raisons de sécurité. L’équipe de recherche a conduit 50 entretiens semi-directifs auprès d’individus clés et de groupes de discussion, soit 281 personnes au total, dont environ un quart de femmes. Parmi eux figuraient des parties prenantes issues des collectivités de Bahema Boga, Banyari-Tchabi, Bahema Mitego, et des groupements de Bukiringi et Kainama. Les personnes interrogées avaient été sélectionnées afin de représenter la diversité des groupes sociaux, y compris : chefs de villages, de groupements et de chefferies, anciens, acteurs de la société civile, groupes de femmes, jeunes, Pygmées, Rwandophones, commerçants, églises, éleveurs, fermiers, militaires et policiers. Après le travail de terrain, l’équipe a analysé et recoupé les informations collectées.
L’évaluation est basée sur le guide élaboré par International Alert intitulé « Pratiques commerciales sensibles au conflit : Lignes directrices pour des industries extractives »1. Ce guide met l’accent sur les aspects suivants :
• Identifier, évaluer et répondre aux impacts sur les droits de l’homme et le conflit ;
• Comprendre les impacts potentiels des industries extractives sur leur environnement opérationnel et évaluer les risques à l’endroit de l’entreprise ; et
• Analyser les risques et impacts liés à l’environnement au sens large, ainsi qu’au contexte précis du projet en question.
1. Titre en anglais : Conflict-Sensitive Business Practice: Guidance for Extractive Industries.
2. CONTEXTE
La République démocratique du Congo (RDC) est un État instable et fragile. Douze ans après la signature de l’accord de paix de Sun City, qui cherchait à mettre fin à sept ans de conflit armé, les combats perdurent dans l’est du pays. Les réformes démocratiques n’ont guère pris pied, les institutions nationales continuant de fonctionner sans égard vis-à-vis des besoins des citoyens congolais et en gérant le budget public dans la plus grande opacité. Selon de nombreux observateurs, les élections présidentielles et législatives de 2011 ont manqué de crédibilité. Dans les provinces du Nord- et du Sud-Kivu, ainsi que dans le district de l’Ituri, en province Orientale, des opérations militaires peinent à démanteler les groupes armés, et la situation humanitaire et sécuritaire dans les zones rurales reste précaire. De nombreuses personnes ont été déplacées. En septembre 2013, on dénombrait près de 2,8 millions de personnes déplacées en RDC, contre 1,8 million en 20112. Ce cycle continu de conflits violents, dans un climat général d’impunité et de mauvaise gouvernance, génère une violation omniprésente des droits de l’homme.
En novembre 2012, la communauté internationale a porté davantage son attention sur la RDC lorsque le groupe rebelle M23 a provisoirement pris le contrôle de la grande ville de l’est du pays, Goma. En février 2013, plusieurs gouvernements de la région et d’autres pays ont signé à Addis-Abeba un Accord-cadre pour la Paix, la Sécurité et la Coopération (PSC) qui établissait un nouveau processus de paix. En mars, le Conseil de sécurité de l’ONU a renouvelé le mandat de la Mission de stabilisation de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUSCO), créant une Brigade de Forces d’intervention chargée de mener des opérations offensives contre les groupes armés. Le même mois, le Secrétaire général de l’ONU a nommé un Envoyé spécial pour la région des Grands Lacs. En décembre 2013, les M23 et le gouvernement congolais signaient des déclarations séparées, suite à la défaite militaire que les M23 avaient essuyée en novembre face aux Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et à la Brigade d’intervention de l’ONU. Malgré ces avancées, la situation sécuritaire dans l’Est reste précaire et imprévisible.
Le Bloc III se situe à cheval sur le territoire d’Irumu, dans le district de l’Ituri, en province Orientale, et le territoire de Beni, au Nord-Kivu. L’Ituri a été l’une des zones les plus durement touchées par la guerre qui a ravagé le pays de 1996 à 2003. Il y règne une paix post-conflit fragile marquée par des problèmes généralisés : les groupes armés sont toujours actifs dans la zone ; la réintégration des ex-combattants dans les communautés s’avère précaire ; les tensions liées à la terre entre individus, entités administratives et groupes ethniques sont particulièrement vives ; et des milliers de personnes déplacées et de réfugiés ne peuvent retourner chez elles faute de terrains vacants où s’établir. Outre le manque de terrains sévit un conflit identitaire qui fait que les individus ne peuvent plus rentrer chez eux, la communauté qui occupe les terres refusant le retour des personnes de l’autre communauté. À l’Est, le district de l’Ituri (et le Bloc III) est frontalier de l’Ouganda, où l’exploration du pétrole sur les rives du lac Albert est assez avancée, même si, selon le gouvernement ougandais,
2. Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies (BCAH), septembre 2013, cité par le Centre de surveillance des déplacements internes, http://www.internal-displacement.org/8025708F004CE90B/(httpPages)22FB1D4E2B196DAA802570B-B005E787C?OpenDocument ; BCAH, « L’action humanitaire en République démocratique du Congo », Bulletin hebdomadaire, 4 mai 2012.
l’exploitation ne commencera qu’en 2017. Exacerbée par la présence de pétrole, la frontière entre la RDC et l’Ouganda sur le lac Albert est contestée3.
Le Bloc III avait été attribué à l’origine à l’entreprise pétrolière sud-africaine SacOil en 2010. Mais à la suite d’un accord conclu avec SacOil en 2011 et approuvé par le gouvernement congolais, Total E&P RDC a acquis 60 % des parts indivisées du Bloc III et est devenu l’exploitant du bloc4. Selon les termes du contrat, Total E&P RDC est tenu d’investir 1 million USD par an dans des projets de développement social dans le Bloc pendant les trois années de la phase d’exploration. En raison de l’insécurité dans la zone, l’exploration n’a pas encore démarré. Plus au Nord, dans les Blocs I et II, l’exploration sismique a déjà eu lieu. Ces Blocs sont alloués à Caprikat Ltd et Foxwhelp Ltd et exploités par leur filiale Oil of DR Congo.
3. Pour plus d’informations, voir « Black gold in the Congo: Threat to stability or development oppurtunity? » (« L’or noir au Congo : menace pour la stabilité ou opportunité de développement ? »), International Crisis Group, Africa Report n°188, p.11, juillet 2012. À titre d’exemple sur la tension frontalière, il a été rapporté en août 2013 que des troupes ougandaises avaient traversé illégalement la frontière de la RDC, à Mahagi, une zone au nord du Bloc III. Cependant, lors du travail de terrain dans le Bloc III, aucune personne interrogée n’a mentionné la contestation de la frontière.
4. Petroleum Africa, Total farms-in to DRC’s Bloc III («Total explore le Bloc III en RDC »), 4 mars 2011, http://www.sankayi.com/digoil_news.html
3. RÉSULTATS
L’évaluation révèle six principaux domaines de risque intéressant à la fois Total E&P RDC et les parties prenantes affectées par l’exploration pétrolière dans le Bloc III. Outre Total E&P RDC, il sera important pour les acteurs de la société civile de tenir compte et de surveiller ces questions. Il s’agit des domaines suivants :
• Situation sécuritaire au sein et autour du Bloc III et impact potentiel sur la population et sur les activités de Total E&P RDC ;
• Tensions intercommunautaires et dynamique des conflits locaux ;
• Représentation des parties prenantes auprès de Total E&P RDC et processus de consultation et de communication de Total E&P RDC auprès de ces parties prenantes ;
• Perceptions et attentes des parties prenantes à l’égard de Total E&P RDC, préoccupations concernant l’exploration pétrolière et rumeurs concernant l’entreprise et ses activités ;
• Capacité et volonté de l’État à contrôler les activités de l’entreprise et à garantir le respect de la loi ;
• Performances des sous-traitants employés par Total E&P RDC.
3.1 Situation sécuritaire au sein et autour du Bloc III et impact potentiel sur la population et sur les activités de Total E&P RDC5
Dynamique générale des conflits
Les groupes armés non étatiques ne sont pas présents de façon permanente dans le Bloc III. En revanche, la zone qui entoure le Bloc abrite un certain nombre de milices : la Force de résistance patriotique de l’Ituri (FRPI), une milice liée à la communauté Ngiti, est ainsi présente dans la chefferie des Walendu Bindi au Nord, et constitue le principal groupe armé dans le Sud-Irumu ; l’Alliance des Forces démocratiques (AFD), un groupe ougandais, d’idéologie islamiste, qui opère en RDC depuis plus de dix ans, et plusieurs groupes Maï-Maï (milices locales) sont installés dans le territoire de Beni du Nord-Kivu, dans le Sud ; et les Maï-Maï Morgan, un groupe armé présent dans le territoire de Mambasa, sont actifs dans l’Ouest. La présence de ces groupes peut provoquer la peur, l’incertitude et parfois – dans le cas de la FRPI qui mène des incursions dans le Bloc – une insécurité directe pour les communautés présentes dans le Bloc.
5. État de la sécurité à la date à laquelle le travail de terrain a été effectué en novembre 2013. Certaines informations ont été mises à jour en utilisant les sources médiatiques publiques, notamment Radio Okapi.
En septembre 2013, lors d’opérations militaires, les FARDC ont réussi à repousser la FRPI depuis ses positions dans la chefferie de Walendu Bindi le long de la route Bunia–Boga. Le FRPI occupait ces positions depuis début 2012.
Suite à ces opérations, la FRPI a fui vers l’est de Gety, près du lac Albert et de la rivière Semliki, apparemment très affaiblie et opérant en petits groupes6. Les FARDC contrôlent actuellement la route Bunia–Boga, mais la FRPI continue de lancer des attaques armées, de générer une insécurité et de s’en prendre à la population civile. Ainsi, la FRPI a attaqué le village stratégique de Gety durant la semaine du 18 novembre 2013 et a récemment fait de nombreuses incursions dans la chefferie de Bahema Mitego, qui fait partie du Bloc III7.
En 2013, la FRPI aurait aussi été l’auteur de vols de bétail à grande échelle contre les éleveurs Hema, alimentant ainsi les tensions entre les communautés Hema et Ngiti. Selon certaines personnes interrogées, ces vols se seraient intensifiés le long de la route Boga–Burasi depuis les opérations qui ont repoussé la FRPI vers ces zones. Les vols pourraient être menés par des sections éclatées plutôt qu’organisées de la FRPI, car l’ampleur du contrôle exercé par Cobra Matata (le chef de la milice) sur le groupe reste incertaine. En outre, bien que la FRPI soit tenue pour responsable, il est difficile d’être certain de sa responsabilité dans la mesure où circulent des rumeurs sur l’implication de criminels voire des FARDC qui pourraient profiter de la présence de la FRPI pour lui faire porter les torts.
Durant les opérations militaires menées d’août à septembre 2013 dans la collectivité de Walendu Bindi, plus de 80 000 personnes ont fui et environ 160 000 autres ont été déplacées8. Celles-ci se sont rendues dans d’autres sites au sein-même de la chefferie et se sont dirigées vers le nord-ouest, notamment des lieux situés sur l’axe Bunia—Komanda. La communauté humanitaire présente en RDC est incapable de répondre aux besoins de l’ensemble de ces personnes déplacées. Pendant les opérations, des violations des droits de l’homme ont été commises par les deux parties, et d’après certains signalements, les FARDC auraient perpétré de nombreux abus, dont des pillages, des viols et des meurtres, du 23 août au 26 septembre9.
Les stratégies actuelles du gouvernement pour faire face à la FRPI sont en premier lieu d’ordre militaire. Les précédentes négociations ont été infructueuses. En effet, la demande d’amnistie de la FRPI pour ses chefs constitue l’un des principaux problèmes. Au moment de cette évaluation, les personnes interrogées dans l’armée et le gouvernement considéraient que les options non militaires, telles que le dialogue et l’intégration, avaient été épuisées10. En réponse, le commandant des forces de l’ONU a annoncé le 9 décembre à Bunia que la MONUSCO aiderait les FARDC à vaincre militairement la FRPI11. Les expériences passées montrent pourtant qu’une solution exclusivement militaire a peu de chances d’aboutir, et qu’il sera difficile d’expulser la FRPI hors des forêts, qu’elle connaît parfaitement. Lors des années précédentes, la FRPI, même lorsqu’elle s’est terrée dans la forêt les a pu organiser des attaques sur la route Bunia–Boga, la voie d’accès privilégiée au Bloc pour
6. Cette information était correcte au moment du travail de terrain en novembre 2013.
7. Radio Okapi, « RDC : les miliciens de la FRPI multiplient leurs attaques à Bahema Mitego », 4 janvier 2014, http://radiookapi.net/actu- alite/2014/01/04/rdc-les-miliciens-de-la-frpi-multiplient-leurs-attaques-bahema-mitego/
8. Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies, « Province Orientale - District d’Ituri : Situation des personnes déplacées », le 30 septembre 2013, carte publiée le 21 octobre 2013.
9. Interview d’un agent de l’ONU, Bunia, 22 novembre 2013. La forte incidence des pillages par rapport aux meurtres et aux viols est attribuée au fait que la population (et la FRPI) a fui avant l’avancée des FARDC, par conséquent les contacts physiques entre l’armée et la population civile ont été limités.
10. Entretiens menés fin août 2013. Au cours du travail de terrain dans le bloc en novembre 2013, un chef de la communauté Ngiti nous a rapporté que le général Fall des FARDC avait proposé à la FRPI d’intégrer les FARDC. Néanmoins, les stratégies menées face au groupe demeurent essentiellement militaires.
11. Radio Okapi, « Ituri : le commandant des forces de la MONUSCO annonce ‘une action musclée’ contre les milices », 10 décembre 2013, http://radiookapi.net/actualite/2013/12/10/ituri-le-commandant-des-forces-de-la-monusco-annonce-une-action-musclee-contre-les-milices/
Total E&P RDC. Toute nouvelle confrontation entre les FARDC et la FRPI, que ce soit sur les axes routiers ou dans la forêt, aura immanquablement des effets négatifs sur la population de la chefferie des Walendu Bindi en termes de nouveaux déplacements et de violation des droits de l’homme.
Plus au Sud, au Nord-Kivu, l’ADF serait responsable de nombreux enlèvements dans la région de Beni. Historiquement, l’ADF n’a pas causé d’insécurité directe dans la plupart des zones du Bloc, ni tenté d’opérations au-delà de la limite provinciale entre le Nord-Kivu et l’Ituri. Il n’en reste pas moins que sa proximité suscite une certaine crainte et de la gêne parmi la population. L’ADF, se sentant actuellement menacé par les opérations militaires menées à son encontre par les FARDC et la Brigade des forces d’intervention onusienne, a accru ses activités. Le 25 décembre 2013, le groupe a temporairement maintenu captif le village de Kamango, dans le territoire de Beni, avant que les FARDC ne le reprennent plus tard dans la même journée avec le soutien aérien de la MONUSCO12. Des rapports relatent également le déplacement de combattants de l’ADF vers le Nord, en direction d’Irumu et de Mambasa13.
L’évolution de la dynamique sécuritaire au sein et autour du Bloc III pourrait affecter la sécurité de la population et l’exploitation pétrolière de Total E&P RDC. Les attaques contre les installations et les convois de Total E&P RDC lancées par la FRPI ou par des hommes armés non identifiés sont possibles. En outre, des attaques le long de la route Bunia–Boga limiteraient l’accès au Bloc. Les opérations des FARDC et de la Brigade des forces d’intervention de l’ONU contre la FRPI et l’ADF auront très probablement des effets négatifs sur les communautés où se déroulent les combats. Elles pourraient également affecter la situation sécuritaire et humanitaire au sein du Bloc si les personnes touchées ou les groupes armés y cherchent refuge. Il est aussi possible que les opérations militaires, en écrasant les groupes armés, parviennent à améliorer la sécurité. Les différentes parties prenantes ont fait part d’opinions divergentes quant à la propension des groupes armés à s’unir contre les FARDC et la Brigade d’intervention de l’ONU. Une alliance entre l’ADF, la FRPI et les Maï-Maï Morgan est possible, au même titre que des confrontations entre des éléments armés issus de ces groupes. Le résultat en serait une insécurité accrue pour la population qui vit dans ces zones.
Les FARDC, garantes de la sécurité ?
De façon schématique, on note deux perceptions distinctes des FARDC dans le Bloc. À Bukiringi (et plus largement à Walendu Bindi), en raison des récentes opérations militaires et de différentes allégations relatives à des atteintes aux droits de l’homme, les FARDC sont perçues comme une source d’insécurité et entretiennent de mauvais rapports avec la population. En novembre, certaines personnes ont constaté une légère amélioration du comportement des FARDC, mais les femmes ont affirmé qu’elles étaient toujours victimes de menaces violentes et de tracasseries. La population craignait de se rendre dans les champs, et de nombreux jeunes hommes avaient fui la région par peur d’être accusés par les soldats d’appartenir aux milices de la FRPI. Il y a actuellement plusieurs barrages de contrôle le long de la route Boga–Bunia, que les FARDC utilisent pour collecter illégalement des taxes sur le trafic, ce qui augmente les coûts du commerce et du transport entre Bunia et le Bloc.
12. Radio Okapi, « RDC : des hélicoptères de la MONUSCO pilonnent les positions des ADF/Nalu à Kamango », 25 décembre 2013, http:// radiookapi.net/actualite/2013/12/25/rdc-des-helicopteres-de-la-monusco-pilonnent-les-positions-des-adf-nalu-kamango/. Radio Okapi,
« RDC: affrontements entre l’armée et les ADF/Nalu à Kamango, un mort », 7 janvier 2014, http://radiookapi.net/actualite/2014/01/07/ rdc-nouveaux-affrontements-entre-larmee-les-adfnalu-kamango-mort/
13. Radio Okapi, « Les rebelles ougandais des ADF/Nalu fuient le nord kivu vers la province Orientale », 9 décembre 2013, http://radiookapi. net/actualite/2013/12/09/les-rebelles-ougandais-des-adfnalu-fuient-le-nord-kivu-vers-la-province-orientale/
Dans d’autres parties du Bloc, les FARDC sont considérées comme garantes de la protection de la population, et les opérations militaires contre la FRPI ont à plusieurs reprises été considérées comme ayant amélioré la sécurité. La plupart des personnes interrogées ont estimé que les relations entre l’armée et la population étaient relativement bonnes. Elles souhaitaient même souvent un renforcement de la présence militaire pour les protéger des groupes armés et des bandits sévissant dans les zones environnantes14. Des personnes interrogées ont cependant mentionné que des pratiques négatives persistent, essentiellement des extorsions d’argent aux barrages illégaux le long des routes, ou indirectement sur les marchés. Des cas plus graves de viols et d’arrestations arbitraires commis par des soldats autour de Boga ont également été signalés.
Les FARDC sont chargées d’assurer la sécurité tant de la population que de Total E&P RDC dans le Bloc. D’un côté, dans l’éventualité d’une présence accrue des FARDC, la sécurité pourrait en être améliorée si les soldats restent disciplinés et sous contrôle. Mais de l’autre, si la surveillance et le contrôle exercés sur les soldats demeurent insuffisants, les FARDC risquent de commettre des violations des droits de l’homme qui pourraient rester impunies en raison de la faiblesse du système judiciaire de l’armée en RDC, et du fait que les victimes pourraient hésiter à dénoncer les abus. Cette hésitation est aussi imputable au fait que les membres de la communauté n’ont ni les moyens financiers d’entreprendre des démarches judiciaires ni le temps de suivre ses méandres. L’éloignement entre les villages et les tribunaux est aussi un facteur qui dissuade la population de saisir la justice. Les acteurs de la société civile ont un rôle important à jouer pour surveiller et signaler ces atteintes aux droits de l’homme, et pour s’assurer que des actions en justice soient menées en conséquence.
Police nationale congolaise (PNC) et criminalité
L’augmentation des activités économiques (et donc de la circulation d’argent) dans le Bloc pourrait entraîner une recrudescence de la criminalité sous forme d’actes de banditisme ou de vols à main armée. Une hausse de la criminalité (qui est actuellement à un niveau relativement faible) aurait aussi un impact sur les moyens de subsistance des ménages et l’économie locale. La PNC, qui est présente dans certaines parties du Bloc, mais pas partout, serait chargée de répondre à cette augmentation des activités criminelles. Cependant, les policiers étant parfois eux-mêmes auteurs d’abus (les personnes interrogées relatent des contraventions élevées, des jugements favorables envers ceux qui peuvent payer des pots-de-vin, et des arrestations arbitraires), et au vu de la culture d’impunité qui règne à travers la RDC, l’État pourrait ne pas s’atteler au problème de façon appropriée.
3.2 Tensions intercommunautaires et dynamique des conflits locaux
Il existe différents types de conflits locaux dans le Bloc III, ouverts ou latents. Cela va de litiges entre éleveurs et fermiers qui peuvent prendre une dimension ethnique, à des conflits liés à la terre15, en passant par des litiges relatifs aux frontières administratives ou des luttes de pouvoir.
14. Du fait des opérations militaires menées plus au Nord à Walendu Bindi, la présence des FARDC dans le bloc a été réduite. Les soldats sont aussi moins nombreux à Burasi et à Tchabi qu’à Boga. Les FARDC ne sont pas présentes dans le groupement de Kainama.
15. Alors que dans l’Ituri, de manière générale, les conflits fonciers sont extrêmement problématiques, une étude du réseau Haki na Amani montre qu’ils sont moins fréquents dans le Bloc III que dans d’autres zones du district.
Relations entre Hema et Ngiti
Le conflit intercommunautaire le plus significatif implique les communautés Hema et Ngiti, qui nourrissent entre elles une méfiance et des tensions de longue date. À leur paroxysme entre 1999 et 2004, ces tensions se sont mêlées à d’autres facteurs de conflit menant à des violences qui ont tué au moins 55 000 personnes16. La situation est aujourd’hui moins tendue, les épisodes de violence déclarée sont moins fréquents, et l’on note un certain niveau de cohabitation entre communautés, même si le sentiment de suspicion rend cette cohabitation difficile. Bien qu’il soit clairement apparu au cours des entretiens que les tensions et les soupçons persistent, la majorité des principales parties prenantes Hema et Ngiti ne tiennent pas de discours porteurs de violence. Les personnes interrogées, tant Hema que Ngiti, parlent en ce sens de l’importance d’établir la paix dans la collectivité des Walendu Bindi.
Un risque élevé de violence entre ces communautés perdure néanmoins. En 2013, par exemple, les chefs Hema et Bira auraient créé des groupes d’auto-défense dans le but de se protéger des vols de bétail commis par la FRPI17. Des conflits non résolus minent également les relations entre communautés Hema et Ngiti, dont le plus significatif s’étend sur trois villages et concerne l’accès au lac Albert dans le Bloc II, plus au Nord. Dans le Bloc III, la contestation de la limite entre Walendu Bindi (groupement de Bukiringi) et Bahema Mitego a pris de l’ampleur avec les perspectives de l’exploitation pétrolière. Suite à ces tensions, le coordinateur de la société civile de l’Ituri a dû suspendre l’établissement d’un organe consultatif représentant l’ensemble du Bloc en attendant la résolution de ce litige.
Migrants économiques rwandophones18
Ces dernières années, et particulièrement depuis 2009, le Bloc III connaît de façon permanente un flux entrant de migrants économiques rwandophones en provenance du Nord- et du Sud-Kivu. Ils se comptent actuellement en milliers et ce poids démographique va constituer un élément important. Les migrants déclarent être venus dans la région pour y trouver des terres fertiles à cultiver. Ils ont acheté des terrains aux chefs locaux, les ont rendus productifs et se sont progressivement établis dans la région, devenant une force dominante sur les marchés locaux des denrées de base. Certains « autochtones » (communautés originaires de la région) voient les Rwandophones comme des allogènes, et les accusent de maintenir leurs propres structures sociales sans s’intégrer dans les communautés d’accueil. Par contraste, les migrants économiques Nande, qui ont également acquis de grandes bandes de terres, éveillent moins de suspicions, car ils sont vus comme des voisins (provenant juste de l’autre côté de la frontière avec le Nord-Kivu).
Des tensions surgissent également au sujet de la propriété foncière des terres cultivées par les Rwandophones. Les entretiens avec ces migrants laissent penser qu’ils vont s’installer pour une durée indéterminée, ce qui nourrit les craintes des « autochtones », inquiets de la pression croissante sur les terres et contestant la légitimité des Rwandophones à y accéder. Dans plusieurs cas, les Rwandophones ont acheté des terres aux chefs locaux que d’autres – par exemple des négociants en bois et des titulaires de concessions – revendiquent également. Il est important de noter que le niveau de tension liée à la présence de Rwandophones varie selon
16. Human Rights Watch, « Ituri, ‘Covered in Blood’ : Ethnically targeted violence in north-eastern DR Congo » (« Ituri : « Couvert de sang »
: Violence à caractère ethnique dans le nord-est du Congo »), juillet 2003, p. 1, cité dans Henning Tamm, « UPC en Ituri », Rift Valley Institute (2013). Remarque : Cette estimation ne couvre que la période de 1999 à mars 2003.
17. S/2013/433, p. 20.
18. Ces migrants sont ici aussi désignés comme Rwandophones dans un souci de concision. Le terme « Rwandophone » est ici utilisé sans aucune connotation politique.
la situation locale en différents endroits du Bloc. Même s’il n’y a pas de violence à l’heure actuelle, la situation n’en reste pas moins potentiellement explosive et propice aux manipulations de la part des élites locales, qui cherchent à exploiter le ressentiment à l’encontre des Rwandophones. Ce ressentiment est basé sur la peur de certaines populations de voir les Rwandophones devenir plus nombreux qu’eux et accéder à un pouvoir politique, ainsi que de les voir gagner le leadership économique. Ce type de dynamique a entraîné des violences en d’autres lieux par le passé (y compris dans les Kivus).
Impact potentiel de l’exploitation pétrolière sur les tensions intercommunautaires
L’exploration pétrolière peut affecter les tensions intercommunautaires et les autres dynamiques des conflits locaux. Si une communauté ou un groupe se sentent exclus ou considèrent que les profits générés par le travail, les projets sociaux et/ou les dédommagements ne sont pas répartis équitablement, cela crée du ressentiment entre communautés qui attise les divisions et tensions latentes. Par exemple, à Bukiringi, certaines parties prenantes se plaignent déjà d’une certaine exclusion et du fait que d’autres communautés bénéficieront du pétrole.
En ce qui concerne l’emploi, les personnes interrogées insistent sur la nécessité de s’assurer que toutes les communautés accèdent aux opportunités de travail et qu’aucune en particulier n’en profite de façon disproportionnée. De nombreux groupes ont déclaré vouloir exercer une influence sur le choix des personnes employées par Total E&P RDC, ce qui indique combien cette question est importante ; un mécontentement relatif à la question de l’emploi pourrait également donner lieu à des violences. Tout migrant économique arrivant dans la zone pour trouver un travail peut aussi enregistrer du ressentiment auprès des « autochtones ». D’un autre côté, les personnes interrogées estiment qu’amener des personnes issues de différentes communautés pour travailler ensemble, ou participer aux comités associés à Total E&P RDC, peut contribuer à améliorer la confiance. Le fait de garantir que les profits tirés du pétrole seront partagés de façon proportionnelle (et perçus comme tels) et de s’assurer que les programmes de développement social prennent en compte les conflits pourrait avoir le même effet.
Le risque de conflit s’aggrave encore lorsque des dédommagements doivent être versés pour des terres dont la propriété est contestée. Au fur et à mesure de l’amélioration de l’accès routier à la zone, l’exploitation et le négoce du bois sont susceptibles de croître, ce qui pourrait exacerber les conflits liés à ces activités. Si du pétrole est découvert, les enjeux et le risque de conflit s’accentueront. Certaines parties prenantes laissent déjà entendre que la résurgence des conflits fonciers est en partie due au fait que la population espère bénéficier du pétrole19.
Les conflits de ce type restent souvent non résolus en raison de la capacité limitée des institutions et de l’État à y répondre. La plupart des personnes interrogées ont dit s’adresser aux chefs locaux en cas de litige. Cependant, ces chefs peuvent eux-mêmes être partis au conflit, ou – lorsque de puissants tiers sont impliqués – ne pas avoir les intérêts ou le pouvoir nécessaires pour trouver une solution durable. En cas d’affaires pénales, la population peut s’adresser à la police, mais cela est coûteux (notamment en raison des amendes élevées). Plus rarement, les gens se rendent au tribunal de Bunia pour résoudre un problème. Cette option est également onéreuse, et la police comme le système judiciaire sont perçus comme favorisant les plus riches20.
19. Cela se produit même dans des zones exemptes de pétrole. Une stratégie de communication solide doit permettre de réduire les risques de voir ces conflits ressurgir.
20. Ex. : Les viols ne sont souvent pas signalés ou sont réglés « à l’amiable » entre les familles, généralement sans égard pour la victime.
Dans ce contexte, les acteurs de la société civile, en particulier dans le domaine de la médiation, ont un rôle à jouer pour contribuer à la résolution des conflits dans le Bloc. Bien que la médiation ne puisse se substituer à la capacité de l’État à prendre en charge ces conflits et à exécuter les décisions, de nombreuses personnes interrogées ont souligné son importance en tant qu’outil de gestion des conflits locaux.
3.3 Représentation des parties prenantes auprès de Total E&P RDC et processus de consultation et de communication de Total E&P RDC auprès de ces parties prenantes
Une multitude d’acteurs et de groupes affirment (avec plus ou moins de crédibilité) représenter les intérêts et les préoccupations des communautés dans le Bloc III. Citons notamment des députés nationaux ou provinciaux, l’Union des associations culturelles et de développement de l’Ituri (UNADI), des membres de la société civile (qu’il s’agisse d’agents officiels de la coordination de la société civile ou d’ONG), différentes églises et des chefs locaux. À ce jour, Total E&P RDC s’est davantage engagé dans la consultation que de nombreuses autres entreprises présentes dans le district de l’Ituri et a tenu plusieurs réunions avec la société civile et d’autres parties prenantes du Bloc. Total E&P RDC est néanmoins perçu comme dépendant de (et consultant avant tout avec) un groupe relativement restreint de parties prenantes comprenant des chefs de collectivités et (dans une certaine mesure) des chefs de groupement, des anciens, des églises (en particulier l’église anglicane) et des représentants de la société civile de Boga. Bien que ces parties prenantes clés détiennent une part considérable de l’autorité, elles ne représentent pas toutes les communautés et les groupes du Bloc ou ne bénéficient pas de leur confiance entière. Par exemple, les chefs locaux liés à une communauté ethnique ne représentent bien souvent pas les autres communautés ethniques vivant dans leur collectivité. En outre, les autorités et institutions coutumières, ainsi que les églises, sont dominées par les hommes et sont donc souvent mal placées pour représenter le point de vue des femmes. De plus, plusieurs personnes interrogées qui n’avaient pas encore été consultées par Total E&P RDC ont laissé entendre que le petit groupe de personnes qui avait été consulté avait profité du pouvoir que cette consultation lui avait conféré pour faire valoir ses propres intérêts, au détriment de ceux des autres.
Dans bien des cas, les parties prenantes en contact le plus étroit avec Total E&P RDC n’ont pas communiqué le contenu de leurs réunions avec l’entreprise aux autres membres de leurs communautés. Ces dernières reçoivent donc des informations incomplètes ou incorrectes de manière indirecte, d’où des rumeurs et des attentes irréalistes. Pour cette raison, beaucoup de personnes ne sont pas informées, ou sont mal informées, sur Total E&P RDC, avec un niveau de connaissance variable selon les zones du Bloc. À titre d’exemple, la plupart des personnes interrogées n’étaient pas au courant des engagements pris par Total E&P RDC envers leurs communautés pour développer des projets sociaux.
Outre les consultations menées par Total E&P RDC, il existe des initiatives à l’échelle locale visant à instaurer des comités pour faire valoir les intérêts des communautés auprès de l’entreprise. Selon certaines personnes interrogées, des comités ont déjà été créés à Bahema Boga, Banyari-Tchabi et Bahema Mitego et se réunissent ponctuellement. Une autre initiative menée par le coordonnateur de la société civile de l’Ituri consiste à créer un cadre de consultations pour l’ensemble du Bloc, mais cela n’a pas encore été mis en œuvre. Les communautés du Bloc ont également élaboré des cahiers des charges – des documents qui présentent les demandes de financement des activités de développement communautaire et ont été transmis à Total E&P RDC. Ces initiatives sont importantes, mais elles émanent d’un groupe relativement restreint dont sont exclus ou au sein duquel sont sous-représentées certaines parties prenantes telles que les femmes, les Pygmées et les Rwandophones.
Plusieurs groupes de parties prenantes se sentent peu impliqués ou mal consultés, notamment les Pygmées, les femmes, les Rwandophones dans certaines zones, les jeunes, la population de Bukiringi, les titulaires de concessions, les négociants et les acteurs de la société civile de Bunia. Certains de ces groupes sont socialement marginalisés, et leurs besoins sont susceptibles de ne pas être transmis à Total E&P RDC. Le fait d’inclure ces groupes de façon active dans les consultations, les forums de prise de décisions et dans la main-d’œuvre pourrait contribuer à leur donner une autonomie accrue et à résoudre l’inégalité des dynamiques de pouvoir et des relations de genre dans la zone, faute de quoi le statu quo risquerait d’être renforcé. Cela vaut plus particulièrement pour les Pygmées, les femmes et les jeunes, comme discuté dans l’encadré 2 ci-dessous.
ENCADRÉ 2 : Groupes d’acteurs
Les Pygmées
Plusieurs groupes de Pygmées sont présents dans le Bloc. Ils risquent d’être exclus, de ne pas être représentés lors des consultations et de ne pas bénéficier des opportunités d’emploi et des projets de développement social. Les parties prenantes représentant les autres communautés dans le Bloc se sont dans la plupart des cas montrées dédaigneuses à l’égard des Pygmées, ce qui explique en partie pourquoi ils n’ont pas été inclus dans les initiatives locales visant à instaurer des comités et rédiger les cahiers des charges. Selon les Pygmées interrogés dans le cadre de cette évaluation, les informations relatives à Total E&P RDC leur seraient cachées s’ils n’avaient pas leurs propres représentants. Ils ne connaissent pas non plus leurs droits, et si l’entreprise venait à empiéter sur les terres où ils vivent, ils déménageraient sans demander de dédommagement.
En termes d’emploi, les Pygmées effectuent déjà du travail non qualifié dans la zone et il n’y a aucune raison pour qu’ils ne puissent pas être recrutés au même titre que les autres communautés. Les parties prenantes à Bunia et Kisangani étaient plus critiques quant à l’employabilité des Pygmées.
Les femmes
À ce jour, les femmes n’ont pas été largement consultées, et n’ont été présentes qu’à quelques réunions organisées à Bunia dans le cadre de l’Évaluation d’impact environnemental et social. Il semblerait que les femmes qui ont participé aux consultations aient souvent une position sociale élevée ou soient liées aux églises (en particulier l’église anglicane), et elles n’ont apparemment pas transmis suffisamment d’informations concernant Total E&P RDC aux autres femmes. Bien que les femmes constituent environ la moitié de la population, qu’elles contribuent à l’économie locale en assumant une grande part des travaux agricoles et que leurs besoins soient différents de ceux des hommes, leurs voix, dans une société très patriarcale, sont rarement entendues. Les femmes ont déclaré qu’elles étaient moins susceptibles de prendre la parole lors des réunions où des hommes sont présents, que les hommes ont le dernier mot pour les décisions financières importantes du foyer et qu’elles sont de ce fait exclues des décisions concernant les dédommagements.
Par ailleurs, les femmes sont plus susceptibles d’être sous-représentées dans le secteur de l’emploi, et elles présentent certaines problématiques liées à l’emploi qui leur sont bien spécifiques et sont différentes de celles des hommes. Les femmes peuvent être plus exposées à l’insécurité quand elles se rendent sur leur lieu de travail ou en reviennent. Elles sont aussi confrontées à une violence conjugale croissante lorsque les maris refusent qu’elles aient un emploi ou qu’ils n’acceptent pas
qu’elles travaillent avec d’autres hommes. Certaines femmes interrogées ont déclaré souhaiter travailler, et la plupart des hommes interrogés (mais pas tous) ont affirmé ne pas s’y opposer, mais que cela s’avérerait problématique si le travail nécessitait de rester sur place la nuit ou de s’absenter de la maison sur de longues périodes. Les femmes sont aussi chargées de s’occuper des enfants et des tâches ménagères, et elles seraient donc obligées de trouver quelqu’un d’autre pour ces travaux si elles étaient amenées à travailler dans des camps éloignés de leur domicile.
Les jeunes
Les jeunes interrogés ont déclaré n’avoir été que très peu impliqués dans les consultations avec Total E&P RDC. Ils disent vouloir être tenus informés et consultés par Total E&P RDC car ils se considèrent comme étant les plus concernés par l’avenir de leurs collectivités. Ils constituent également des acteurs importants car, en cas de conflits, les jeunes hommes seraient les premiers mobilisés pour prendre part aux violences.
Parmi les autres groupes qui se sentent exclus, certains sont relativement puissants dans le Bloc et pourraient avoir un rôle négatif, plutôt que positif, s’ils s’estiment mis sur la touche. Ainsi, la population n’accorde pas toute sa confiance aux députés nationaux et provinciaux ou aux chefs de communautés qui sont censés les représenter, alors qu’ils constituent des figures importantes au sein de leurs communautés et qu’ils sont capables de les mobiliser contre Total E&P RDC en faisant circuler des rumeurs, en attisant le ressentiment envers l’entreprise, ou encore en encourageant et en instrumentalisant les préoccupations de la communauté.
Certains représentants de la société civile et plusieurs organisations à Bunia ont également parfois l’impression que Total E&P RDC les écarte et ne les inclut pas dans les décisions, en consultant en premier lieu les chefs et certaines autres personnes dans le Bloc. Bien que tous les acteurs de la société civile ne soient pas présents dans le Bloc, ou n’en représentent pas les communautés, certains disposent d’une connaissance étendue de la région et de ses communautés et ont l’expérience de la mise en œuvre de projets de développement. Ces parties prenantes sont importantes car elles peuvent apporter un savoir et des perspectives qui font défaut au sein du Bloc. Par exemple, des membres de la société civile interrogés à Bunia ont critiqué à la fois le choix du secteur de l’hydraulique comme axe principal des premiers projets de développement social, mais aussi la durée prévue des projets, estimée trop courte pour fournir des résultats sur le long terme.
3.4 Perceptions, attentes, préoccupations et promesses perçues21
La majorité des personnes interrogées portent un regard positif sur Total E&P RDC, attendant, parfois avec impatience, le lancement des activités de l’entreprise dans le Bloc III, dans l’espoir que l’exploration puis la découverte de pétrole apporteront des bénéfices économiques et de développement.22 Certaines considèrent l’investissement de Total E&P RDC dans la région comme un honneur et espèrent que cela incitera d’autres
21. Cette section n’aborde par toutes les perceptions, attentes et rumeurs ; certaines sont évoquées dans d’autres sections du rapport, quand elles sont liées aux thèmes discutés.
22. Certaines des personnes interrogées ont dit douter que Total E&P RDC mène des opérations dans la région étant donné les retards qui se sont déjà produits. Aussi surprenant que cela puisse paraître, elles n’attribuaient pas cela à l’insécurité.
entreprises à faire de même. D’autres souhaitent que la présence et les activités de Total E&P RDC aident à consolider la paix dans la région. Ces perceptions reposent cependant sur un manque de réalisme vis-à-vis des risques liés à l’exploration et à l’extraction du pétrole, et sur des attentes envers Total E&P RDC trop élevées et irréalistes. La plupart des résidents du Bloc ne sont pas bien informés sur l’entreprise et le projet, et pensent (à tort ou non) que Total E&P RDC a fait des promesses attractives concernant l’emploi et les projets de développement.
Craintes minimes
La majorité des personnes interrogées ont affirmé qu’elles n’étaient guère préoccupées ou craintives quant aux travaux d’exploration de Total E&P RDC. Certaines ont répondu n’avoir aucune expérience de l’exploration et de l’exploitation du pétrole, et donc ne pas savoir si cela devait les inquiéter ou non. Et d’ajouter qu’elles ne pouvaient juger à l’avance du travail de Total E&P RDC. En outre, nombreuses sont celles qui accordent une grande confiance à l’entreprise, et affirment que Total E&P RDC les a assurées que ses activités n’auraient aucun impact négatif, en particulier sur l’environnement.
Lorsque des parties prenantes du Bloc ont fait part de craintes, leurs principaux sujets d’inquiétude concernaient entre autres les questions suivantes : l’environnement et notamment la pollution ; la destruction des récoltes et (à Burasi) l’impact sur la pêche de la pollution autour du lac ; le changement social tel que les effets négatifs sur les croyances religieuses, la prostitution et l’alcoolisme ; la désaffection des enseignants et des élèves envers l’école pour chercher du travail auprès de Total E&P RDC. De façon générale, les plus grandes craintes quant aux impacts de l’exploration et de l’exploitation pétrolières (en particulier les impacts sur l’environnement) ont été exprimées par des personnes provenant de l’extérieur du Bloc et notamment des activistes de la société civile à Kinshasa (qui ont une certaine expérience du secteur pétrolier au Bas-Congo) et à Kisangani.
De grandes attentes
Toutes les parties prenantes attendent beaucoup de Total E&P RDC et des bienfaits que l’entreprise devrait apporter au Bloc et d’une manière plus générale au district de l’Ituri. Ces attentes portent le plus souvent sur l’emploi (en particulier le nombre de personnes qui seront recrutées pendant la phase d’exploration pétrolière), les projets de développement social, et l’amélioration des infrastructures routières. Ainsi, les trois collectivités qui sont entièrement incorporées dans le Bloc (Bahema Boga, Bahema Mitego et Banyari-Tchabi) ont préparé des cahiers des charges et s’attendent à ce que Total E&P RDC finance au moins certains de ces projets. Cela dit, Total E&P RDC aurait demandé à la population de ne pas abandonner ses activités quotidiennes (agriculture, élevage, etc.) au profit de l’emploi offert par les activités sismiques.
Le niveau des attentes est d’autant plus élevé que Total E&P RDC dispose du statut de grande multinationale (comparé à d’autres entreprises de plus petite taille dans l’est de la RDC) et que les capacités gouvernementales sont extrêmement limitées. Par conséquent, de nombreuses parties prenantes (notamment les acteurs de la société civile) attendent bien plus des entreprises (surtout internationales) que de leur propre gouvernement. Cette situation est exacerbée par une compréhension divergente sur les implications de la phase d’exploration et sur sa durée, et par la méconnaissance générale du contenu du contrat entre Total E&P RDC et le gouvernement congolais. À titre d’exemple, la plupart des personnes interrogées ignoraient le montant que Total E&P RDC était contractuellement tenu d’investir dans les projets sociaux et pour quelle durée.
Promesses perçues
De nombreuses parties prenantes (la plupart au sein même du Bloc) croient que Total E&P RDC a fait des promesses concrètes concernant ses activités dans la zone, liées en particulier aux opportunités de recrutement et aux projets de développement social que l’entreprise apportera. Au vu des divergences sur le type et le nombre de promesses qui ont été soi-disant faites, il est probable que celles-ci soient le résultat mêlé de malentendus (volontaires ou involontaires), d’une mauvaise communication et de rumeurs à géométrie variable au gré de leur diffusion.
Rumeurs
Les perceptions, les attentes élevées et les promesses perçues sont alimentées tout autant par des rumeurs que par les informations communiquées par Total E&P RDC. Le risque de malentendus et de manipulation des perceptions de la communauté par les politiciens et les meneurs d’opinion est donc fort. Le climat est particulièrement favorable à la diffusion de rumeurs car la plupart des informations sur l’entreprise ont été diffusées de façon informelle depuis un petit nombre de parties prenantes vers les communautés.
Bien que les perceptions, les attentes et les promesses perçues concernant Total E&P RDC soient souvent fausses et irréalistes, elles sont importantes, surtout lorsque l’écart entre les attentes et la réalité est grand. Si les attentes élevées ne sont pas gérées, et que certaines personnes alimentent les rumeurs ou manipulent les perceptions de la communauté, cela risque d’accroître les divisions et la tension entre les différentes communautés ethniques et les parties prenantes. En revanche, si l’information circule largement et clairement, les attentes sont maîtrisées et les rumeurs contrecarrées, les relations entre l’entreprise et les communautés peuvent s’améliorer et permettre aux populations marginalisées de s’autonomiser.
3.5 Capacité et volonté de l’État à contrôler les activités industrielles et à garantir le respect de la loi
La capacité de l’État et, à certains niveaux, sa volonté de faire respecter de façon rigoureuse les lois réglementant l’industrie pétrolière et de contrôler les activités, les engagements et l’impact des entreprises sont limitées. Le gouvernement de Kinshasa s’avère plus enclin à encourager les groupes pétroliers à opérer comme ils l’entendent qu’à exercer une surveillance. Les discussions avec les représentants du gouvernement à Kinshasa, Kisangani et Bunia soulignent un manque de clarté et de compréhension quant à leur rôle et leur responsabilité à l’égard des entreprises pétrolières qui opèrent dans le district de l’Ituri. Les services gouvernementaux concernés à Bunia semblent tous manquer de ressources et, dans certains cas, de l’expertise technique pour assumer leur rôle. L’Inspection du travail et les services de l’environnement manquent de personnel. Les agents des services de l’environnement n’ont qu’une connaissance limitée des impacts potentiels de l’exploration et de l’exploitation pétrolières sur l’environnement et ils n’avaient pas eu connaissance des résultats de l’Évaluation d’impact environnemental et social. Le gouvernement n’est donc guère susceptible d’exercer une surveillance efficace sur les entreprises pétrolières et leurs sous-traitants, dans le sens du respect de la loi et des intérêts de la population, notamment en matière de droit du travail et de l’environnement.
Les insuffisances du cadre réglementaire national accentuent le problème. La législation sur le secteur pétrolier est très en retard par rapport à celle du secteur minier, qui a fait l’objet de certaines réformes. La dernière loi sur les hydrocarbures a été adoptée en 1981 ; elle est obsolète et ne tient pas compte de l’évolution du secteur, ni des réglementations fiscales plus récentes23. Un nouveau code des hydrocarbures est en cours d’examen par le parlement et pourrait représenter une étape importante pour améliorer la régulation du secteur pétrolier. Il a néanmoins été qualifié de trop faible sous sa forme actuelle24. Le gouvernement congolais n’a pas non plus ratifié les cadres et instruments internationaux pertinents, notamment la Convention n°169 de l’Organisation internationale du Travail qui porte sur les conditions d’emploi ainsi que sur les droits des peuples autochtones. Par conséquent, les entreprises en RDC ne sont pas dans l’obligation de conduire des consultations préliminaires, libres et informées au regard des peuples autochtones, tels que les Pygmées, comme envisagé par la Convention. Comme nous l’avons constaté, la conséquence pourrait en être que certains règlements de la Convention resteront à la discrétion de l’entreprise.
Faute de contrôle effectif assuré par l’État, les acteurs de la société civile, dont les ONG et les structures religieuses telles que la Commission épiscopale pour les ressources naturelles (CERN), ont un important rôle de surveillance à jouer. Même si les organisations de la société civile ne peuvent garantir l’application de la loi, elles peuvent surveiller le respect des droits par les industries extractives de la manière suivante : en sensibilisant (et en améliorant la communication avec) les communautés sur les questions pétrolières ; en facilitant une collaboration constructive entre l’entreprise et les communautés ; et en plaidant en faveur du respect des cadres légaux auprès du gouvernement et de l’entreprise. La capacité des Organisations de la société civile (OSC) ituriennes est actuellement limitée pour le faire et pourrait bénéficier d’un appui. Par exemple, tout comme les agents gouvernementaux du district, les parties prenantes de la société civile n’ont qu’une connaissance limitée des impacts potentiels du pétrole sur l’environnement.
3.6 Performances des sous-traitants employés par Total E&P RDC
Il est fréquent que les sous-traitants des industries extractives ne respectent pas certains critères établis par l’entreprise contractante, jugés trop coûteux ou chronophages en termes d’interactions avec les communautés et en matière environnementale. Des délais serrés et des ressources limitées, ainsi qu’un manque de sensibilisation générale aux questions relatives aux affaires, au conflit et aux droits de l’homme, font que les sous-traitants ne tiennent pas compte des effets de leurs actions sur les communautés. Dans le Bloc III, le problème est aggravé par la situation sensible et complexe de la zone, et les sous-traitants ont donc du mal à remplir les exigences.
Cela vaut surtout pour les exigences en matière de main-d’œuvre non qualifiée, d’une part, et de santé, de sécurité et d’environnement, d’autre part. Les sous-traitants doivent prendre en considération : l’équité et la transparence des procédures de recrutement (et s’assurer qu’elles sont comprises par les participants) ; la représentation de la composition ethnique du Bloc dans les recrutements ; le recours prioritaire aux locaux. Néanmoins, les aspects les plus complexes de la gestion des emplois non qualifiés sont sans doute, en premier lieu, les coûts, le logement, le transport et la formation requis pour permettre aux villageois de travailler sur
23. Cette analyse est tirée de : « Black gold in the Congo: Threat to stability or development opportunity? » International Crisis Group, Africa Report No. 188, p. 11, juillet 2012.
24. « Last chance to fix Congo’s flawed oil bill », Global Witness, 14 janvier 2014.
de courtes périodes (rotations prévues de 20 jours) puis de changer. En second lieu, il faut également s’assurer que les groupes marginalisés tels que les femmes et les Pygmées aient une chance d’accéder à l’emploi.
Les questions environnementales sont presque toujours une source de tensions et de conflits entre les communautés, les entreprises pétrolières et leurs sous-traitants, malgré les normes élevées imposées par Total E&P RDC. L’expérience dans d’autres pays montre que parmi les plaintes les plus fréquentes dans la phase d’exploration figurent le volume de poussière causé par le passage sur les routes, le déplacement du bétail nécessité par l’exploration, et la dégradation de l’environnement liée à l’eau et à la gestion des déchets. La réhabilitation des routes peut involontairement accroître les trafics illégaux et la contrebande dans la zone, auxquels les structures étatiques auront du mal à faire face en raison de leur manque de moyens.
Si les sous-traitants respectent les exigences, l’impact peut être positif. Le recrutement local et le développement d’une chaîne d’approvisionnement locale peuvent aider certains membres de la communauté à améliorer leurs revenus et dynamiser temporairement l’économie locale. La construction et la réhabilitation de routes peuvent directement renforcer les structures du marché à l’échelle locale. L’impact sera évidemment plus prononcé si l’exploration du pétrole se solde par l’exploitation d’hydrocarbures. Le travail de Total E&P RDC et de ses sous-traitants aura un effet d’autant plus positif s’il permet d’établir un exemple à suivre et des normes élevées pour les autres entreprises en Ituri.
4. CONCLUSION
L’Évaluation des droits de l’homme et des risques de conflit commanditée par Total E&P RDC a été menée de manière indépendante par International Alert et le réseau Haki na Amani dans le Bloc III, à Bunia, Kisangani et Kinshasa. Elle met en évidence six domaines de risque : la sécurité ; les tensions intercommunautaires et la dynamique des conflits locaux ; la représentation, la consultation et la communication ; les perceptions et les attentes à l’égard de Total E&P RDC ; le manque de capacité et de volonté de l’État ; et les performances et le comportement des sous-traitants de Total E&P RDC. Le présent rapport, qui résume les principales conclusions tirées pour chaque domaine de risque, peut servir de référence pour le suivi des questions de conflit et de droits de l’homme par la société civile avant, pendant et après la phase d’exploration. Il pourrait aussi servir de guide pour engager une discussion plus poussée entre les acteurs de la société civile et Total E&P RDC.
Cette évaluation représente une occasion de partir du bon pied, dans la mesure où elle a été menée avant le lancement de toute opération pétrolière. Plusieurs des questions soulevées méritent d’être prises en considération dès maintenant pour éviter qu’elles ne deviennent problématiques à l’avenir. Le niveau élevé et irréaliste des attentes et la nocivité potentielle des rumeurs, la résurgence de conflits dans le contexte de l’exploration pétrolière, et les sentiments d’exclusion de certains groupes, sont sources d’inquiétude. Néanmoins, il est également possible d’envisager un dialogue entre les acteurs de la société civile et Total E&P RDC pour éviter que ces problèmes n’empirent et empêcher que d’autres ne surviennent (par exemple par le biais du contrôle du respect des droits de l’homme). Le plus important est sans doute d’établir une communication claire et fréquente entre toutes les parties prenantes.
4.1 Recommandations pour Total E&P RDC
Les recommandations suivantes s’appuient sur les recherches et l’analyse menées dans le cadre de cette évaluation, ainsi que sur l’expérience d’International Alert dans le secteur des industries extractives. Elles suivent globalement la structure des six domaines de risque identifiés dans ce rapport, mais certaines sont transversales. Elles sont suivies de recommandations adressées à la société civile de Bunia dans la section 3.2.
4.1.1 Sécurité
• Concevoir un plan de mise en œuvre des Principes volontaires sur la sécurité et les droits humains25 pour encadrer le recours à la sécurité publique et privée du point de vue des droits de l’homme, et pour pleinement intégrer l’évaluation des risques – y compris les conflits et les risques et impacts liés aux droits de l’homme
– dans la gestion de Total E&P RDC en RDC.
25. Les Principes volontaires sur la sécurité et les droits humains ont été édictés en 2000 et constituent « un ensemble de principes établis pour aider les entreprises à maintenir la sécurité et la sûreté de leurs opérations dans un cadre opérationnel qui encourage le respect des droits de l’homme ». Voir http://www.voluntaryprinciples.org/what-are-the-voluntary-principles/
• Mettre en place une procédure pour traiter les allégations relatives à des atteintes aux droits de l’homme qui impliquent des membres du personnel de la sécurité publique ou privée. Quand un problème est soulevé par une partie prenante, Total E&P RDC doit pouvoir s’appuyer sur un mécanisme établi pour enquêter, rapporter et gérer la situation en conséquence. Il est essentiel de mettre en œuvre une campagne de communication dès la mise en place de ce mécanisme afin de s’assurer que les principales parties prenantes en soient informées et sachent comment y recourir.
• Dans le cas d’allégations relatives à des atteintes aux droits de l’homme, Total E&P RDC devrait instaurer des mesures supplémentaires pour faire preuve de diligence. Il existe plusieurs exemples d’entreprises qui ont mis en œuvre des mesures de ce type, telles qu’un système d’alerte précoce et un protocole de réponses aux crises échelonnées selon l’intensification d’un conflit / la détérioration de la situation des droits de l’homme26.
• Promouvoir activement les relations avec les organisations de la société civile et celles qui travaillent dans le domaine des droits de l’homme et des conflits27. Les ONG, entre autres, sont des sources d’informations précieuses sur les activités qui se déroulent dans le Bloc, et elles peuvent également fournir des informations sur d’éventuelles violations des droits de l’homme. Dans le Bloc III, Total E&P RDC pourrait se rapprocher du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (BCAH), de la section des droits de l’homme de la Mission de stabilisation de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUSCO), du réseau Haki na Amani, de Justice Plus, de la Clinique juridique et des représentants officiels de la société civile.
4.1.2 Tensions intercommunautaires et dynamique des conflits locaux
Cette section comprend des recommandations spécifiques sur les projets sociaux et l’emploi, car ces derniers pourraient exacerber une dynamique des conflits locaux s’ils ne sont pas mis en œuvre de manière sensible aux conflits.
• S’assurer que les employés de Total E&P RDC connaissent et comprennent les positions sociopolitiques des principales parties prenantes ainsi que la dynamique des conflits propres au Bloc. Si elle est consciente de ces problèmes, l’entreprise sera en mesure de prendre des décisions et de concevoir et mettre en œuvre des projets qui tiendront compte de la dimension conflictuelle et du respect des droits de l’homme. Cet objectif pourrait être atteint grâce aux actions suivantes :
• État des lieux des principales parties prenantes locales. Il faudra pour cela prendre en compte l’ensemble des principales parties prenantes et des structures pertinentes dans le Bloc afin de fournir une information détaillée sur : la composition et la présence des différentes communautés ethniques ; les relations entre les communautés et la perception qu’elles ont les unes des autres ; l’existence de conflits potentiels ou réels ; les intérêts, besoins et positionnements des principales parties prenantes ; les attentes ; et la position et l’opinion des individus clés.
26. Étant donné que Total E&P RDC n’a pas de présence réelle dans le pays et que ses activités d’exploration n’ont pas encore démarré, ces systèmes devront être adaptés.
27. Cela est suggéré par les Principes volontaires sur la sécurité et les droits humains et par les outils qui guident la mise en œuvre de ces principes.
• « Cartographie sociale ». Cela devra être mené conjointement avec les communautés dans le but d’identifier : les conflits locaux ; les parties prenantes et structures locales dédiées à la résolution des conflits ; les sites sacrés ; les zones de vie clés (sources d’eau, espaces de la faune et de la flore ; élevages et fermes, etc.) ; et autres domaines pertinents. Cet exercice de cartographie devra aussi être conduit dans l’ensemble du Bloc, pas seulement dans les lieux où opère l’entreprise mais également dans les zones traversées par les principales voies d’accès. Les dynamiques du Bloc sont interconnectées et les conflits dans une zone peuvent trouver leur origine ou avoir des effets ailleurs. L’étude doit prendre garde à n’exclure aucun groupe de parties prenantes clés.
Emploi
• S’assurer, si possible, que les employés sont issus des 14 groupements du Bloc et des différentes communautés ethniques présentes (par exemple les Pygmées). Cela nécessitera de nombreuses discussions avec les communautés, leurs chefs et d’autres de leurs représentants, les familles et les sous-traitants, ainsi qu’une planification minutieuse et une analyse détaillée. Total E&P RDC doit prendre en compte le temps requis par ces discussions afin d’éviter que la pression des délais opérationnels ne pousse à adopter des décisions et des procédures dans la précipitation. La communication tout au long de la démarche sera cruciale.
• Ouvrir un maximum d’opportunités de travail aux femmes, et veiller à consulter les familles au sujet de leur accès à l’emploi afin de minimiser les risques de désaccords domestiques qu’un recrutement pourrait générer.
• Communiquer régulièrement avec les employés, les familles et les sous-traitants sur les questions d’emploi afin de réduire les rumeurs, les attentes et les éventuelles tensions qui pourraient être alimentées par un manque d’informations sur le sujet. La communication sur les questions d’emploi devra expliquer : comment s’effectue la sélection des travailleurs ; le type de travail demandé, le lieu d’activité, les emplois du temps et tout détail pertinent ; ce que Total E&P RDC fournira ou ne fournira pas ; les conditions de vie dans le camp ; les aménagements permettant l’emploi des femmes, comme des logements et des toilettes séparés ; la façon dont les comportements inappropriés sur le lieu de travail (en particulier à l’égard des femmes) seront traités ; le mécanisme de dépôt de plainte qui sera mis en place pour signaler tout abus ; et toute autre clarification qui pourra répondre aux questionnements des communautés et les éclairer.
• Adapter le système de rémunération en fonction des circonstances locales. Il s’agira de prendre en compte : le manque d’infrastructures financières dans la région ; le coût d’accès à ces infrastructures pour les individus (par exemple, le coût de transport pour aller à la banque ou les frais de transaction bancaire
– certaines personnes interrogées ont suggéré d’utiliser des « banques mobiles ») ; les préférences individuelles et les questions de sécurité (par exemple, ne pas se déplacer avec d’importantes sommes en liquide sur soi) ; les concepts culturels liés à l’argent et aux banques. Total E&P RDC et ses sous-traitants devront prévoir un paiement quotidien ou hebdomadaire, ou encore tous les vingt jours (par exemple, il semblerait que les Pygmées préfèrent un règlement quotidien). Les personnes interrogées ont clairement fait savoir qu’elles préféreraient être payées directement par le personnel de Total E&P RDC. En effet, si les paiements s’effectuent par le biais d’intermédiaires, il existe un risque élevé que les fonds ne parviennent pas aux employés.
Projets de développement social
• S’assurer que les parties prenantes de la société civile pertinentes à Bunia sont consultées au sujet des projets sociaux (au moins lors de la phase initiale de mise en œuvre).
• S’assurer que les consultations de la communauté sur les projets de développement accordent suffisamment de temps à toutes les parties concernées pour qu’elles puissent parvenir à se mettre d’accord collectivement et de façon représentative.
• Indiquer clairement aux principales parties prenantes, le cas échéant, que Total E&P RDC compte fournir aux communautés des projets sociaux et des opportunités d’emploi, selon toute une série d’avantages (par exemple, une zone donnée pourrait bénéficier de moins d’emplois, mais de davantage de projets sociaux).
• Malgré la nature hypothétique provisoire de la phase d’exploration, Total E&P RDC pourrait envisager de mettre en œuvre des projets sociaux jusqu’à l’expiration de la licence afin d’en améliorer la durabilité.
4.1.3 Représentation, consultation et communication ; gestion des perceptions, des attentes et des rumeurs
• Veiller à ce que le programme de consultation des communautés soit assorti d’une forte composante de communication ciblée sur l’ensemble des principales parties prenantes. Ce plan de communication devra :
– Garantir une large diffusion de l’information parmi toutes les principales parties prenantes ; s’assurer que les parties prenantes qui ont un impact sur le processus de décision sont représentatives des communautés du Bloc. Cela permettra de réduire les éventuelles difficultés associées à telle ou telle partie prenante, tout en empêchant celles qui ne représentent pas réellement les intérêts divers de la communauté d’intervenir sur les décisions qui affecteront cette communauté ;
– S’assurer que toutes les parties du Bloc et que les zones touchées hors du Bloc (par exemple les zones traversées par la principale voie d’accès entre Bunia et Boga) participent aux consultations, aux projets sociaux et aux opportunités d’emploi.
• Veiller à ce que les comités de recrutement et de paiement ne soient pas uniquement constitués de chefs mais aussi de représentants d’autres groupes issus de la communauté. Cela doit être clairement indiqué aux chefs.
• Vérifier que tous les comités locaux qui comptent travailler avec Total E&P RDC sont représentatifs des différents groupes composant le Bloc et, le cas échéant, prendre les mesures pour revoir leur composition. Total E&P RDC devra pour cela adopter une approche ouverte et consultative.
• Établir une présence permanente dans la région, avec un bureau local et des agents de liaison destinés aux communautés. Une présence permanente aidera Total E&P RDC à maîtriser les rumeurs et à gérer les attentes.
• Tenir des réunions dans différentes parties du Bloc (c’est-à-dire pas seulement à Boga mais aussi dans d’autres lieux stratégiques comme Tchabi voire Burasi). Si ce n’est pas possible, il est important d’expliquer pourquoi la réunion n’a pas pu se dérouler dans un autre endroit. Dans un contexte riche en rumeurs et malentendus, Total E&P RDC doit adopter une attitude ouverte et transparente pour éviter d’attirer les soupçons.
• Recruter des agents de liaison communautaire chargés de collaborer avec Total E&P RDC, qui devront :
– avoir une bonne connaissance du Bloc et de ses différentes communautés, de leur tissu démographique et des perceptions qu’elles ont les unes des autres ;
– en tant que parties prenantes, faire preuve de la plus grande impartialité et ne pas provenir de façon disproportionnée de l’une ou l’autre communauté ethnique ;
– participer activement à l’exercice de cartographie qui sera mené afin d’identifier les principales parties prenantes locales ;
- Inclure des agents de liaison de sexe féminin et leur donner les moyens de soulever des questions auprès de l’entreprise et des acteurs extérieurs (par exemple, les sous-traitants). Les femmes agents de liaison sont plus à même de discerner certaines questions relatives aux droits de l’homme (comme le harcèlement ou les abus sexuels) et de les signaler à l’entreprise.
• Expliquer clairement aux communautés la phase d’exploration en donnant des informations sur : ce que l’exploration implique ; les limites géographiques du Bloc ; les zones directement concernées par l’exploration ; les zones du Bloc qui ne sont pas concernées et celles qui sont dépourvues de pétrole ; les principales parties prenantes qui assisteront au début de l’exploration (par exemple le type d’équipement qui leur sera montré) ; des informations très spécifiques sur ce que Total E&P RDC fera ou ne fera pas (même en l’absence de toute activité, il est utile d’expliquer pourquoi la phase d’exploration est retardée). Ce type d’informations pourrait être diffusé dans des réunions en face-à-face, mais aussi transmis par écrit et mis à disposition par les agents de liaison et le bureau local.
• Aider à la création d’une station de radio communautaire ou régionale (question déjà abordée avec Total E&P RDC). Cela permettrait à Total E&P RDC de communiquer directement avec une grande partie de la population sans passer par l’intermédiaire de tiers, et ainsi de réduire les risques de mauvaises interprétations. Les églises sont aussi des moyens de communication efficaces. L’entreprise devra veiller à transmettre ses messages par le biais de toutes les églises présentes dans le Bloc, sous la forme d’une annonce effectuée par un employé de Total E&P RDC à la fin de l’office. Cela évitera de donner l’impression que les autorités religieuses ont une relation privilégiée avec Total E&P RDC, et de voir l’information erronée si les acteurs religieux communiquent eux-mêmes le message.
• Se rapprocher des organisations de la société civile qui connaissent bien le Bloc et/ou disposent d’une expertise, notamment en partageant l’information avec les organisations qui effectuent des activités de surveillance dans le Bloc.
4.1.4 Performances des sous-traitants
• Collaborer étroitement avec les sous-traitants afin de garantir le respect des exigences en matière sociale et environnementale et des conditions de travail, en accord avec les communautés. Dans cette perspective, Total E&P RDC peut combiner des approches « dures » et « douces » envers ses sous-traitants. L’approche douce peut comprendre : la sensibilisation et la formation sur des questions telles que la responsabilité sociale des entreprises et la sensibilité des droits de l’homme et des conflits, etc. ; des « comités sociaux » rassemblant d’importants représentants de Total E&P RDC et sous-traitants pour discuter des thématiques majeures ayant trait aux droits humains et interagir avec les communautés ; et des clauses contractuelles faisant explicitement référence à la question des droits de l’homme. L’approche dure, à adopter le cas échéant, peut consister à : utiliser des indicateurs clés de performance pour mesurer les résultats des sous-traitants sur ces sujets ; exiger des sous-traitants qu’ils documentent la manière dont ils observent les obligations qui leur incombent et conservent des archives à cet égard ; mettre en place un mécanisme de dépôt de plaintes pour les sous-traitants, ou veiller à ce que les griefs soient gérés par les mécanismes de Total E&P RDC ; et assurer une surveillance par les pairs et une auto-évaluation.
4.2 Recommandations aux parties prenantes de la société civile et aux chefs de communauté à Bunia
• S’assurer que leur engagement auprès de Total E&P RDC et de l’exploration pétrolière dans l’Ituri est aussi constructif et responsable que possible. Refréner les envolées rhétoriques ou les hyperboles superflues dans leurs discussions avec Total ou au sujet de Total.
• Suivre l’évolution de la situation des droits de l’homme et de l’environnement dans le Bloc à l’aide de ce rapport et des sources d’information et d’expertise existantes. Maintenir des relations fortes avec les ac- teurs de la société civile à Kinshasa. Il pourrait également être utile d’organiser un atelier avec les acteurs de la société civile qui travaillent dans le secteur des hydrocarbures à Kinshasa, dans l’Ituri, au Nord-Kivu et au Bas-Congo pour échanger les expériences et les bonnes pratiques.
• S’assurer qu’ils n’excluent pas eux-mêmes les groupes marginalisés de leurs activités, réunions, activités de suivi et recommandations.
• Communiquer de façon claire et transmettre aux communautés les informations que Total E&P RDC leur destine.
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