Ancien chef des informations de la radio française RTL, le journaliste Karim Fall pointe les limites de la légitimation d'une guerre menée principalement par la coalition occidentale contre le régime du colonel Mouammar Kaddafi. Tout en prenant soin de préciser son indifférence quant au sort du "Guide" libyen.
D'abord, une mise au point : je me contrefous du sort de Mouammar Kaddafi et de son régime que j'abhorre. Mais, ce qui soulève mon indignation est la liberté que l'on prend avec le principe de souveraineté. Certes, comme l'écrit Pascal Boniface, le directeur de l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) dans les colonnes du journal Le Monde (mercredi 27 Avril 2011) : « Il est également nécessaire que la souveraineté ne constitue pas une garantie d'impunité pour les tyrans et dictateurs. » Catégorie dont Kaddafi fait incontestablement partie.Néanmoins, ce concept est à géométrie variable. Chine, Russie, Birmanie, Iran, Syrie…Ces dictatures jouissent apparemment de l'impunité de la communauté internationale. La Chine et la Russie disposent d'arsenaux nucléaires. La Birmanie a pour parrain, Pékin, son principal partenaire économique. L'Iran a peut-être l'arme atomique. De plus, son armée pléthorique et aguerrie a administré la preuve de ses capacités de résilience face à l'Irak de Saddam Hussein. Et tous craignaient l'expansion de la « Révolution islamique ». La Syrie de Bachar al-Assad peut tuer des manifestants pacifiques sans crainte parce qu'elle dispose elle aussi d'un parrain, l'Iran, et d'un allié, le Hezbollah.
La Libye ne dispose pas de tels soutiens et, circonstances aggravantes, est dotée d'immenses ressources pétrolières et gazières. Elle peut voir sa souveraineté bafouée par des puissances qui comptent demain mettre la main sur ses richesses grâce au fameux « Conseil national de transition » (CNT), qui est loin de représenter le peuple libyen. Il faut cesser l'hypocrisie. Ce conseil n'a de national que le nom. Son président Mustafa Abdeljalil, ancien ministre de la Justice de Kaddafi, s'est rallié aux insurgés peu avant les frappes aériennes avec d'autres transfuges du régime. En réalité, la « rébellion » est née à Benghazi, ancienne capitale royale, bastion historique des opposants à Kaddafi qui ne se consolent toujours pas du renversement du roi Idriss Ier en 1969 et de la perte du pouvoir au bénéfice de Tripoli. Idriss Ier avait offert le pétrole du pays aux multinationales anglo-saxonnes que le jeune colonel a nationalisées dès son arrivée au pouvoir.
L'objectif non avoué, aujourd'hui, est de renverser le régime de Tripoli. Personne ne s'en plaindra. Mais il n'appartient ni à Nicolas Sarkozy, ni à David Cameron, et même pas à Barack Obama de changer la direction politique de la Libye. Ni d'aucun autre pays. C'est aux Libyens et à eux seuls qu'il appartient de régler leurs problèmes intérieurs. J'ignore qu'elle sera l'issue de cette entreprise. Mais une chose est sûre : si elle fait école, ses promoteurs auront ouvert la boîte de Pandore. Il ne manque pas à travers le monde de dictateurs ou de tyrans qui tuent et massacrent leurs populations.
Jeuneafrique
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