Le Procureur Générale de la République, Mr. Flory Numbi a éclairé l’opinion sur la définition et la répression de l’infraction de détournement des biens et des deniers publics en droit positif congolais lors de la rentrée judiciaire.
Il l’a dit dans son discours en ces termes :
« ….aussi, pour que personne ne l'ignore, je consacre cette mercuriale, la première de mon mandat, à l'examen de l'infraction de détournement des deniers publics et privés en droit positif congolais. Je veux de cette manière, marier l'information juridique à la prévention judiciaire, mais aussi dire à tous les justiciables que nul n'est au dessus de la loi. Nul n'ignore que la République Démocratique du Congo traverse une période de basse conjoncture dont l'une des causes est, sans conteste, le détournement des deniers publics.Il est donc fort regrettable que les actes de détournement soient banalisés de nos jours et qu'ils le soient au moment où tout le monde s'emploie à professer que l'éthique dans le service public est un élément fondamental pour une saine direction des affaires de l'Etat.En effet, alors que l'opinion s'indigne des accroissements illicites et spectaculaires des richesses, alors que nos dirigeants courent jour après jour à la quête des recettes nécessaires au paiement de nos dettes, de nos salaires et au financement de nos chantiers, les dénonciations pour cause de détournement des deniers publics se font plutôt rares.Il règne comme une loi de silence sur nos services et nos cités au point qu'il est permis de se demander si ce silence coupable ne constitue pas un acte de participation criminelle collective et/ou l'expression de la tolérance d'une génération qui attribue la réussite sociale aux miracles ou tout simplement, une léthargie d'un peuple sans foi en sa justice et convaincu qu'il n'existe aucune sanction contre les plus forts.C'est pourquoi, mon propos de ce jour a pour objectif de réveiller l'attention des uns et des autres et notamment de ceux qui sont appelés au premier chef à lutter contre ces antivaleurs en recherchant les infractions et en sanctionnant leurs auteurs »
Chapitre Premier : De la Notion du Détournement des Deniers Publics et des Incriminations VoisinesJe vais, dans ce chapitre, définir l'infraction de détournement des biens et des deniers publics, la distinguer des infractions voisines telles que l'abus de confiance, l'abus de biens sociaux, le détournement de la main d'œuvre et le détournement de biens saisis et dire ce que le législateur entend par le fonctionnaire, l'officier public et le chargé d'un service public.Vous comprenez donc aisément que ce chapitre puisse comporter six sections.Section 1 : De la notion du détournement des deniers publicsLittéralement, le détournement est un acte qui consiste à changer la destination initialement donnée à une chose.Juridiquement, il est, d'après Georges Cornu, le fait, pour un détenteur précaire, de ne pas restituer le bien qui lui avait été confié (en vertu d'un contrat de détention: dépôt, prêt, mandat, etc.) et par extension, le fait de soustraire une personne ou une chose au contrôle légitime d'un tiers (1).Légalement, l'article 145 du code pénal congolais dispose : " Tout fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d'un service public ou parastatal toute personne représentant les intérêts de l'Etat ou d'une société étatique au sein d'une société privée, parastatale ou d'économie mixte en qualité d'administrateur, de gérant, de commissaire aux comptes ou à tout autre titre, tout mandataire ou préposé des personnes énumérées ci-dessus, qui aura détourné des deniers publics ou privés, des effets en tenant lieu, des pièces, titres, actes, effets mobiliers qui étaient entre ses mains, soit en vertu, soit à raison de sa charge, sera puni de un à vingt ans de travaux forcés... "Cette définition me permet ainsi de distinguer le détournement des deniers publics de l'abus de confiance, l'abus des biens sociaux, du détournement d'objets saisis et du détournement de main d'oeuvre. Toutes ces notions sont définies tour à tour dans les sections qui suivent.Section 2 : De l'abus de confianceL'abus de confiance est le fait pour une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou des biens qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire unusage déterminé (lire en ce sens l'article 314-1 du code pénal français et 95 du code pénal congolais).Si l'abus de confiance ne peut porter sur des immeubles en général (Cass.crim., 10 octobre 2001, Buli. crim., n° 222), il a été jugé qu'il peut 'porter sur les immeubles par destination, qui reprennent un caractère mobilier après détachement (Cass. Crim., 27 avril 1866, d. 66.1.288) et qu'il peut également porter sur les correspondances, les convocations et notifications de justice emportant obligation à sa charge que le prévenu n'avait reçues qu'en sa qualité de représentant de Son employeur (Cass.crim.,2 juillet 1998, Rev.sc.crim.l999,p. 585).La doctrine enseigne que l'acte de détournement caractéristique d'un abus de confiance est un acte frauduleux qui empêche la victime d'exercer ses droits sur la chose et qui peut se traduire par la dissipation de l'argent ou du bien remis par suite d'une destruction, d'une vente ou d'une donation qui interdira toute restitution ou représentation ultérieure (Note m. Delmas-Marty).A la différence du détournement des biens publics, l'auteur de l'abus de confiance n'a pas la qualité de fonctionnaire. L'abus de confiance est passible, dans notre pays, d'une peine de 5 ans de servitude pénale au maximum et d'une peine d'amende ou d'une de ces peines seulement.Section 3 : De l'abus des biens sociauxL'abus des biens sociaux n'est pas encore incriminé dans notre pays. Il l'est dans les législations belge et française (art. l 241-3,4° et 5° sur les Sari et l. 242-6,3° et 4° sur les SA). Il a été érigé pour sanctionner les actes qui consistent a s'approprier directement des biens appartenant à la société ou à faire payer à celle-ci des dépenses à caractère personnel ou à s'en servir, même de façon temporaire avec l'intention de restituer. Il y a ainsi usage dans le fait de bénéficier de prêts, d'avances, de véhicules, de logements voire à utiliser de façon indue matériel ou personnel de la société (Michel Véron, Droit pénal des affaires, n° 200, p. 165).Section 4 : Du détournement de main d'œuvreLe professeur Likulia définit le détournement de main-d'œuvre comme le fait d'utiliser frauduleusement à son profit ou au profit d'un tiers les services d'engagés mis sous ses ordres.Cette infraction qui est prévue et punie à l'article 97 du code pénal congolais, livre second, ressemble à une différence près à l'incrimination d'abus de confiance, prévue et punie par l'article 95 du code pénal, livre 2 dont il est un complément nécessaire. Il avait été constaté, en effet, que l'article 95 du code pénal congolais, livre second) ne visait que le détournement d'une chose mobilière et non le détournement de main-d'œuvre et que ce dernier comportement criminel échappait à la répression.L'article 97 du code pénal congolais, en prévoyant et en sanctionnant le détournement de main-d'œuvre, est venu donc combler la lacune de l'article 95 et réprimer le fait du préposé qui utilise à son profit ou au profit d'un tiers, sans l'accord de son patron, les travailleurs placés sous ses ordres aux fins d'exécuter un travail déterminé.Section 5 : Du détournement des biens saisisL'article 83 du code pénal congolais, livre II, dispose : " Le saisi ou le tiers qui auront détourné des objets saisis seront passibles des peines de vol."Il se dégage de l'analyse des dispositions de l'article 83 ci-dessus cité que cette incrimination suppose une saisie, un acte de détournement et l'intention frauduleuse.L'infraction de détournement d'objets saisis exige quelques préalables : la saisie et la chose saisie.1. La saisie Pour que cette qualification soit retenue, il faut qu'une saisie soit préalablement opérée.La saisie constitue donc la condition préalable sans laquelle cette infraction de détournement d'objets saisis ne peut être établie, car elle requiert que les objets détournés aient été réellement saisis ou qu'ils aient fait l'objet d'une main mise légale.L'on reconnaît ainsi l'existence d'une saisie, au sens de l'infraction, dans tout acte ayant pour effet de placer des objets mobiliers sous mains de justice dans un intérêt d'ordre tant privé que public.Partant, il peut s'agir soit d'une saisie-arrêt, soit d'une saisie-exécution, soit d'une saisie conservatoire. On peut ainsi retenir une simple mise sous séquestre judiciaire, ou en fourrière, en confiscation. Peu importe la découverte ultérieure des irrégularités entachant la procédure de saisie.2. L'objet saisiA cause du silence du législateur qui n'a pas énuméré les objets concernés, la jurisprudence et la doctrine retiennent :- les objets mobiliers tel qu'un véhicule, les pièces de rechange de ce véhicule, des marchandises, tout objet susceptible d'enlèvement (6) ;- les immeubles par destination et les éléments des immeubles par nature ou par incorporation susceptibles d'être mobilisés.Peu importe que les objets saisis appartiennent ou non au débiteur saisi, car celui-ci peut avoir intérêt à leur enlèvement même s'il ne jouit pas sur eux d'un droit de propriété. (7)Section 6 : Du fonctionnaireParagraphe 1er : Qui est donc le fonctionnaire ?Le législateur qui a érigé en infraction le détournement commis par le fonctionnaire ne définit cependant pas ce qu'il faut entendre par fonctionnaire, par officier public ni par personne chargée d'un service public. .Littéralement le fonctionnaire est une personne qui remplit une fonction publique, une personne qui occupe, en qualité de titulaire, un emploi permanent dans le cadre d'une administration publique (spécialement l'Etat).Juridiquement, Gérard Cornu, le définit comme un agent d'une collectivité publique dont la situation dans la fonction publique est caractérisée par la permanence de l'emploi dans lequel il a été nommé et par sa titularisation dans un grade de la hiérarchie; il se distingue des agents n'occupant pas un emploi permanent et de ceux qui, occupant un tel emploi, ne sont titulaires d'aucun grade ; les fonctionnaires sont soumis soit au statut général soit à des statuts particuliers ou spéciaux.Faisant sienne la définition donnée par Errera, G. Mineur considère les fonctionnaires comme des personnes qui participent à un service de l'Etat d'intérêt public, après un acte de nomination et une prestation de serment.La Cour d'Appel d'Elisabethville révèle cependant, dans son arrêt du 16 novembre 1920, que la prestation de serment n'est pas une condition nécessaire, pour être légalement revêtu de la qualité de fonctionnaire. (10)lI n'y a donc pas à l'heure actuelle en droit congolais de définition légale du fonctionnaire. Il est connu que le fonctionnaire est régi par la loi n° 81-003 du 17 juillet'1981 portant statut du personnel de carrière des services publics de l'Etat.Cette loi définit en son article 3 l'expression agent de carrière des services publics de l'Etat comme agent nommé à un grade de la hiérarchie pour occuper un emploi permanent dans un des services publics de l'Etat.Elle énumère tout simplement les services publics dont le personnel est régi par ce statut, tout en explicitant en son article 3 alinéa 2 que la liste et les effectifs des emplois existant au sein de différents services sont fixés par le Président de la République, sur proposition du Ministre de la Fonction publique.En outre, cette loi exclut de l'application de ce statut les magistrats, les gouverneurs, de province, les cadres élus de l'administration du territoire et le personnel des organismes publics personnalisés.On comprendra que l'étendue d'application du statut général des agents de carrière des services publics (de la Fonction publique) ne peut servir en tant que tel de critère de détermination de la notion du fonctionnaire.La notion donnée par la loi est restrictive ou d'une portée limitée. Partant, prise en compte, elle laisse échapper plusieurs personnes œuvrant dans les services publics de la sanction pénale. En outre, elle n'assure pas une protection spéciale dont doivent bénéficier ces agents de l'Etat.Selon l'entendement de la jurisprudence, appliquant la loi pénale, les fonctionnaires sont des personnes qui, investies d'un mandat public soit par nomination soit par élection concourent à la gestion des affaires d'une collectivité territoriale.La Cour de Cassation française considère en son arrêt du 30 octobre 1896 les fonctionnaires comme tous citoyens qui, sous la dénomination quelconque, ont été investis d'un mandat dont l'exécution se lie à un intérêt d'ordre public et qui, à ce titre, sont soumis à l'autorité du Gouvernement. Cette définition jurisprudentielle a le mérite de permettre un regroupement de l'ensemble des agents à qui s'appliquent soit-.le droit public en général et soit la législation pénale en particulier.Allant dans le même sens que cette jurisprudence, le législateur congolais a, conformément au décret-loi n° 017/2002 du 3 octobre 2002 portant code de conduite de l'Agent public de l'Etat, introduit le concept d'agent public de l'Etat qu'il définit, à l'article 1er alinéa 1 point 1, comme toute personne qui exerce une activité publique de l'Etat et/ou rémunérée par ce dernier.Paragraphe 2 : Le fonctionnaire en droit congolaisLe Décret-loi n° 017- 2002 du 3 octobre 2002 énumère d'une façon non exhaustive ces agents publics de l'Etat. Il cite notamment : 1. le Président de la République, Chef de l'Etat ;2. les membres du Parlement ; 3. les membres du Gouvernement ;4. les magistrats des Cours et Tribunaux;5. les Ambassadeurs et Envoyés Extraordinaires ;6. les Autorités chargées de l'administration des Circonscriptions Territoriales et les membres des Assemblées des Entités administratives Décentralisées ;7. le personnel politique et administratif des Services de la Présidence de la République ;8. le personnel politique et administratif de l'Administration du Parlement;9. le personnel politique et administratif des 'Cabinets des Ministères;10. les agents de l'Administration de tous les Ministères11. les magistrats et le personnel administratif de la Cour des Comptes ; 12. le personnel de l'Administration des Services de Sécurité ;13. le personnel civil et militaire œuvrant au sein des Forces armées congolaises ;14. les agents de la Police Nationale Congolaise ;15. les mandataires actifs et non actifs dans les institutions de droit public, les Entreprises et Organismes publics ainsi que les Entreprises d'économie mixte ;16. le personnel des Institutions de droit public, des Entreprises publiques et des Organismes publics personnalisés ;17. les employés des Entreprises privées ou d'économie mixte exerçant une activité publique pour le compte de l'Etat.Comme on le constate, le terme fonctionnaire public est entendu dans le sens large d'agent public de l'Etat que l'article 147 du code pénal livre II définit comme : " Tout fonctionnaire ou tout employé de l'Etat ou de ses institutions, y compris ceux qui ont été sélectionnés, nommés ou élus pour entreprendre les activités ou exercer des fonctions au nom ou au service de l'Etat à tous les niveaux de sa hiérarchie. " La cour suprême de justice, dans une formule lapidaire, arrête qu'est fonctionnaire, toute personne chargée d'un service public (C.S.J., 3l août 1984, RP 94, aff. c/KASHINTWALE et consorts) »
Flory Kabange Numbi Procureur général de la République
Il l’a dit dans son discours en ces termes :
« ….aussi, pour que personne ne l'ignore, je consacre cette mercuriale, la première de mon mandat, à l'examen de l'infraction de détournement des deniers publics et privés en droit positif congolais. Je veux de cette manière, marier l'information juridique à la prévention judiciaire, mais aussi dire à tous les justiciables que nul n'est au dessus de la loi. Nul n'ignore que la République Démocratique du Congo traverse une période de basse conjoncture dont l'une des causes est, sans conteste, le détournement des deniers publics.Il est donc fort regrettable que les actes de détournement soient banalisés de nos jours et qu'ils le soient au moment où tout le monde s'emploie à professer que l'éthique dans le service public est un élément fondamental pour une saine direction des affaires de l'Etat.En effet, alors que l'opinion s'indigne des accroissements illicites et spectaculaires des richesses, alors que nos dirigeants courent jour après jour à la quête des recettes nécessaires au paiement de nos dettes, de nos salaires et au financement de nos chantiers, les dénonciations pour cause de détournement des deniers publics se font plutôt rares.Il règne comme une loi de silence sur nos services et nos cités au point qu'il est permis de se demander si ce silence coupable ne constitue pas un acte de participation criminelle collective et/ou l'expression de la tolérance d'une génération qui attribue la réussite sociale aux miracles ou tout simplement, une léthargie d'un peuple sans foi en sa justice et convaincu qu'il n'existe aucune sanction contre les plus forts.C'est pourquoi, mon propos de ce jour a pour objectif de réveiller l'attention des uns et des autres et notamment de ceux qui sont appelés au premier chef à lutter contre ces antivaleurs en recherchant les infractions et en sanctionnant leurs auteurs »
Chapitre Premier : De la Notion du Détournement des Deniers Publics et des Incriminations VoisinesJe vais, dans ce chapitre, définir l'infraction de détournement des biens et des deniers publics, la distinguer des infractions voisines telles que l'abus de confiance, l'abus de biens sociaux, le détournement de la main d'œuvre et le détournement de biens saisis et dire ce que le législateur entend par le fonctionnaire, l'officier public et le chargé d'un service public.Vous comprenez donc aisément que ce chapitre puisse comporter six sections.Section 1 : De la notion du détournement des deniers publicsLittéralement, le détournement est un acte qui consiste à changer la destination initialement donnée à une chose.Juridiquement, il est, d'après Georges Cornu, le fait, pour un détenteur précaire, de ne pas restituer le bien qui lui avait été confié (en vertu d'un contrat de détention: dépôt, prêt, mandat, etc.) et par extension, le fait de soustraire une personne ou une chose au contrôle légitime d'un tiers (1).Légalement, l'article 145 du code pénal congolais dispose : " Tout fonctionnaire ou officier public, toute personne chargée d'un service public ou parastatal toute personne représentant les intérêts de l'Etat ou d'une société étatique au sein d'une société privée, parastatale ou d'économie mixte en qualité d'administrateur, de gérant, de commissaire aux comptes ou à tout autre titre, tout mandataire ou préposé des personnes énumérées ci-dessus, qui aura détourné des deniers publics ou privés, des effets en tenant lieu, des pièces, titres, actes, effets mobiliers qui étaient entre ses mains, soit en vertu, soit à raison de sa charge, sera puni de un à vingt ans de travaux forcés... "Cette définition me permet ainsi de distinguer le détournement des deniers publics de l'abus de confiance, l'abus des biens sociaux, du détournement d'objets saisis et du détournement de main d'oeuvre. Toutes ces notions sont définies tour à tour dans les sections qui suivent.Section 2 : De l'abus de confianceL'abus de confiance est le fait pour une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou des biens qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire unusage déterminé (lire en ce sens l'article 314-1 du code pénal français et 95 du code pénal congolais).Si l'abus de confiance ne peut porter sur des immeubles en général (Cass.crim., 10 octobre 2001, Buli. crim., n° 222), il a été jugé qu'il peut 'porter sur les immeubles par destination, qui reprennent un caractère mobilier après détachement (Cass. Crim., 27 avril 1866, d. 66.1.288) et qu'il peut également porter sur les correspondances, les convocations et notifications de justice emportant obligation à sa charge que le prévenu n'avait reçues qu'en sa qualité de représentant de Son employeur (Cass.crim.,2 juillet 1998, Rev.sc.crim.l999,p. 585).La doctrine enseigne que l'acte de détournement caractéristique d'un abus de confiance est un acte frauduleux qui empêche la victime d'exercer ses droits sur la chose et qui peut se traduire par la dissipation de l'argent ou du bien remis par suite d'une destruction, d'une vente ou d'une donation qui interdira toute restitution ou représentation ultérieure (Note m. Delmas-Marty).A la différence du détournement des biens publics, l'auteur de l'abus de confiance n'a pas la qualité de fonctionnaire. L'abus de confiance est passible, dans notre pays, d'une peine de 5 ans de servitude pénale au maximum et d'une peine d'amende ou d'une de ces peines seulement.Section 3 : De l'abus des biens sociauxL'abus des biens sociaux n'est pas encore incriminé dans notre pays. Il l'est dans les législations belge et française (art. l 241-3,4° et 5° sur les Sari et l. 242-6,3° et 4° sur les SA). Il a été érigé pour sanctionner les actes qui consistent a s'approprier directement des biens appartenant à la société ou à faire payer à celle-ci des dépenses à caractère personnel ou à s'en servir, même de façon temporaire avec l'intention de restituer. Il y a ainsi usage dans le fait de bénéficier de prêts, d'avances, de véhicules, de logements voire à utiliser de façon indue matériel ou personnel de la société (Michel Véron, Droit pénal des affaires, n° 200, p. 165).Section 4 : Du détournement de main d'œuvreLe professeur Likulia définit le détournement de main-d'œuvre comme le fait d'utiliser frauduleusement à son profit ou au profit d'un tiers les services d'engagés mis sous ses ordres.Cette infraction qui est prévue et punie à l'article 97 du code pénal congolais, livre second, ressemble à une différence près à l'incrimination d'abus de confiance, prévue et punie par l'article 95 du code pénal, livre 2 dont il est un complément nécessaire. Il avait été constaté, en effet, que l'article 95 du code pénal congolais, livre second) ne visait que le détournement d'une chose mobilière et non le détournement de main-d'œuvre et que ce dernier comportement criminel échappait à la répression.L'article 97 du code pénal congolais, en prévoyant et en sanctionnant le détournement de main-d'œuvre, est venu donc combler la lacune de l'article 95 et réprimer le fait du préposé qui utilise à son profit ou au profit d'un tiers, sans l'accord de son patron, les travailleurs placés sous ses ordres aux fins d'exécuter un travail déterminé.Section 5 : Du détournement des biens saisisL'article 83 du code pénal congolais, livre II, dispose : " Le saisi ou le tiers qui auront détourné des objets saisis seront passibles des peines de vol."Il se dégage de l'analyse des dispositions de l'article 83 ci-dessus cité que cette incrimination suppose une saisie, un acte de détournement et l'intention frauduleuse.L'infraction de détournement d'objets saisis exige quelques préalables : la saisie et la chose saisie.1. La saisie Pour que cette qualification soit retenue, il faut qu'une saisie soit préalablement opérée.La saisie constitue donc la condition préalable sans laquelle cette infraction de détournement d'objets saisis ne peut être établie, car elle requiert que les objets détournés aient été réellement saisis ou qu'ils aient fait l'objet d'une main mise légale.L'on reconnaît ainsi l'existence d'une saisie, au sens de l'infraction, dans tout acte ayant pour effet de placer des objets mobiliers sous mains de justice dans un intérêt d'ordre tant privé que public.Partant, il peut s'agir soit d'une saisie-arrêt, soit d'une saisie-exécution, soit d'une saisie conservatoire. On peut ainsi retenir une simple mise sous séquestre judiciaire, ou en fourrière, en confiscation. Peu importe la découverte ultérieure des irrégularités entachant la procédure de saisie.2. L'objet saisiA cause du silence du législateur qui n'a pas énuméré les objets concernés, la jurisprudence et la doctrine retiennent :- les objets mobiliers tel qu'un véhicule, les pièces de rechange de ce véhicule, des marchandises, tout objet susceptible d'enlèvement (6) ;- les immeubles par destination et les éléments des immeubles par nature ou par incorporation susceptibles d'être mobilisés.Peu importe que les objets saisis appartiennent ou non au débiteur saisi, car celui-ci peut avoir intérêt à leur enlèvement même s'il ne jouit pas sur eux d'un droit de propriété. (7)Section 6 : Du fonctionnaireParagraphe 1er : Qui est donc le fonctionnaire ?Le législateur qui a érigé en infraction le détournement commis par le fonctionnaire ne définit cependant pas ce qu'il faut entendre par fonctionnaire, par officier public ni par personne chargée d'un service public. .Littéralement le fonctionnaire est une personne qui remplit une fonction publique, une personne qui occupe, en qualité de titulaire, un emploi permanent dans le cadre d'une administration publique (spécialement l'Etat).Juridiquement, Gérard Cornu, le définit comme un agent d'une collectivité publique dont la situation dans la fonction publique est caractérisée par la permanence de l'emploi dans lequel il a été nommé et par sa titularisation dans un grade de la hiérarchie; il se distingue des agents n'occupant pas un emploi permanent et de ceux qui, occupant un tel emploi, ne sont titulaires d'aucun grade ; les fonctionnaires sont soumis soit au statut général soit à des statuts particuliers ou spéciaux.Faisant sienne la définition donnée par Errera, G. Mineur considère les fonctionnaires comme des personnes qui participent à un service de l'Etat d'intérêt public, après un acte de nomination et une prestation de serment.La Cour d'Appel d'Elisabethville révèle cependant, dans son arrêt du 16 novembre 1920, que la prestation de serment n'est pas une condition nécessaire, pour être légalement revêtu de la qualité de fonctionnaire. (10)lI n'y a donc pas à l'heure actuelle en droit congolais de définition légale du fonctionnaire. Il est connu que le fonctionnaire est régi par la loi n° 81-003 du 17 juillet'1981 portant statut du personnel de carrière des services publics de l'Etat.Cette loi définit en son article 3 l'expression agent de carrière des services publics de l'Etat comme agent nommé à un grade de la hiérarchie pour occuper un emploi permanent dans un des services publics de l'Etat.Elle énumère tout simplement les services publics dont le personnel est régi par ce statut, tout en explicitant en son article 3 alinéa 2 que la liste et les effectifs des emplois existant au sein de différents services sont fixés par le Président de la République, sur proposition du Ministre de la Fonction publique.En outre, cette loi exclut de l'application de ce statut les magistrats, les gouverneurs, de province, les cadres élus de l'administration du territoire et le personnel des organismes publics personnalisés.On comprendra que l'étendue d'application du statut général des agents de carrière des services publics (de la Fonction publique) ne peut servir en tant que tel de critère de détermination de la notion du fonctionnaire.La notion donnée par la loi est restrictive ou d'une portée limitée. Partant, prise en compte, elle laisse échapper plusieurs personnes œuvrant dans les services publics de la sanction pénale. En outre, elle n'assure pas une protection spéciale dont doivent bénéficier ces agents de l'Etat.Selon l'entendement de la jurisprudence, appliquant la loi pénale, les fonctionnaires sont des personnes qui, investies d'un mandat public soit par nomination soit par élection concourent à la gestion des affaires d'une collectivité territoriale.La Cour de Cassation française considère en son arrêt du 30 octobre 1896 les fonctionnaires comme tous citoyens qui, sous la dénomination quelconque, ont été investis d'un mandat dont l'exécution se lie à un intérêt d'ordre public et qui, à ce titre, sont soumis à l'autorité du Gouvernement. Cette définition jurisprudentielle a le mérite de permettre un regroupement de l'ensemble des agents à qui s'appliquent soit-.le droit public en général et soit la législation pénale en particulier.Allant dans le même sens que cette jurisprudence, le législateur congolais a, conformément au décret-loi n° 017/2002 du 3 octobre 2002 portant code de conduite de l'Agent public de l'Etat, introduit le concept d'agent public de l'Etat qu'il définit, à l'article 1er alinéa 1 point 1, comme toute personne qui exerce une activité publique de l'Etat et/ou rémunérée par ce dernier.Paragraphe 2 : Le fonctionnaire en droit congolaisLe Décret-loi n° 017- 2002 du 3 octobre 2002 énumère d'une façon non exhaustive ces agents publics de l'Etat. Il cite notamment : 1. le Président de la République, Chef de l'Etat ;2. les membres du Parlement ; 3. les membres du Gouvernement ;4. les magistrats des Cours et Tribunaux;5. les Ambassadeurs et Envoyés Extraordinaires ;6. les Autorités chargées de l'administration des Circonscriptions Territoriales et les membres des Assemblées des Entités administratives Décentralisées ;7. le personnel politique et administratif des Services de la Présidence de la République ;8. le personnel politique et administratif de l'Administration du Parlement;9. le personnel politique et administratif des 'Cabinets des Ministères;10. les agents de l'Administration de tous les Ministères11. les magistrats et le personnel administratif de la Cour des Comptes ; 12. le personnel de l'Administration des Services de Sécurité ;13. le personnel civil et militaire œuvrant au sein des Forces armées congolaises ;14. les agents de la Police Nationale Congolaise ;15. les mandataires actifs et non actifs dans les institutions de droit public, les Entreprises et Organismes publics ainsi que les Entreprises d'économie mixte ;16. le personnel des Institutions de droit public, des Entreprises publiques et des Organismes publics personnalisés ;17. les employés des Entreprises privées ou d'économie mixte exerçant une activité publique pour le compte de l'Etat.Comme on le constate, le terme fonctionnaire public est entendu dans le sens large d'agent public de l'Etat que l'article 147 du code pénal livre II définit comme : " Tout fonctionnaire ou tout employé de l'Etat ou de ses institutions, y compris ceux qui ont été sélectionnés, nommés ou élus pour entreprendre les activités ou exercer des fonctions au nom ou au service de l'Etat à tous les niveaux de sa hiérarchie. " La cour suprême de justice, dans une formule lapidaire, arrête qu'est fonctionnaire, toute personne chargée d'un service public (C.S.J., 3l août 1984, RP 94, aff. c/KASHINTWALE et consorts) »
Flory Kabange Numbi Procureur général de la République
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