LIPADHO a.s.b.l.
Ligue pour la Paix et les Droits de l’Homm
Coordination Nationale
CONFERENCE DEBAT ORGANISE PAR LA COMMISSION DES INTELLECTUELS DE LA PAROISSE SAINT LAURENT A L’INTENTION DES INTELLECTUELS DE LA COMMUNE DE NGABA, CE DIMANCHE 13 JUILLET 2008
THEME : LA COUR PENALE INTERNATIONALE(CPI) ET LES VICTIMES DES CRIMES INTERNATIONAUX
ORATEUR PRINCIPAL : Eloi URWODHI, Coordonnateur National de la LIPADHO
MODERATEUR : Jean-Bosco TEBATEBA, Président de la Commission des intellectuels de la paroisse Saint Laurent
Notre exposé comprend 3 parties suivantes : le contexte de la création de la CPI, les droits des victimes et la CPI et le débat sur l’exposé.
I. Contexte de la création de la CPI
Suite aux barbaries qu’à connu le 20 ème siècle dont les plus célèbres ont été commises dans les deux guerres mondiales avec pour conséquences des milliers des victimes d’atrocité inimaginables parmi les enfants, femmes et hommes. A cela s’ajoutent des affrontements qui ont entrainé aux génocides au Rwanda, en Sierra- Léone et en ex-Yougoslavie. Les tribunaux pénaux internationaux mis en place pour poursuivre les présumés coupables de ces crimes l’ont été en titre temporaire et beaucoup d’entre eux sont cependant restés impunis si bien que les victimes ne se retrouvent pas pour la plus part des cas rétablies dans leur droit à la réparation juste.
Pour mettre fin à de tels actes criminels dans le monde entier, un tribunal international permanent a été créé et a commencé à fonctionner le 1er juillet 2002. La Cour pénale internationale, car c’est d’elle qu’il s’agit, a été constituée le 17 juillet 1998. Parmi les 160 pays qui se sont accordés pour sa création, bon nombre entre eux étaient des pays d’Afrique. La République Démocratique du Congo fait partie de ces pays.
II. Droits des victimes et la CPI
Cette rubrique comprend 5 principales parties suivantes :
1. Introduction aux droits des victimes des violations flagrantes des droits de l’homme et des violations graves du droit humanitaire ;
2. La participation des victimes dans la procédure de la CPI ;
3. La protection des victimes et la CPI ;
4. La représentation légale des Victimes et l’Aide Judiciaire ;
5. La réparation et le Fond au Profit des Victimes de la CPI.
1. Introduction aux droits des victimes des violations flagrantes des droits de l’homme et des violations graves du droit humanitaire
Les Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparations ont été adoptés formellement par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 16 décembre 2005. REDRESS a œuvré avec d’autres ONG pendant des années sur ce texte, et a publié en 2006 un manuel sur ce texte qui est disponible sur le site internet :
http://www.redress.org/publications/HandbookonBasicPrinciples_French.pdf
.
Les droits des victimes incluent :
Le droit à un recours effectif à la justice
Le droit à l’égalité et la dignité du traitement
Le droit à l’information
Le droit à l’accès au processus
Le droit à la réparation. Ce dernier se caractérise par : 1) la restitution, 2) la réadaptation (médicale / psychologique), 3) la compensation, 4) la satisfaction (divulgation publique de la vérité, recherche de personnes disparues, déclaration officielle, excuses publiques, commémorations et hommages, etc.), 5) les garanties de non répétition.
Les conséquences légales de ces violations incluent :
1. La compétence universelle (crimes peuvent être poursuivis dans d’autres pays)
2. L’imprescriptibilité des crimes (il n’y a pas de date limite pour porter plainte)
2. Participation
La nature innovante des procédures de la CPI, autorise les victimes à participer à la procédure judiciaire en tant que parties intéressées. Dans certains cas, les victimes peuvent participer de cette façon et aussi servir de témoins de l’accusation ou de la Défense.
Les statuts de victimes et témoins n’étant pas mutuellement exclusifs. Une explication a été donnée sur les raisons pour lesquelles les victimes pourraient vouloir participer, incluant : le désir d’avoir leur opinion entendue et représentée dans l’affaire, le souhait de pouvoir influencer la procédure en ce qui concerne leur propre point de vue, le souhait de demander des réparations (bien que cela puisse être fait séparément et ne requière pas une participation au procès). A cet égard, il a été fait mention du besoin de gérer les attentes des victimes intéressées en particulier compte tenu de l’étendue de la participation.
Des explications ont été fournies sur la portée de la participation, à savoir qui peut participer et pourquoi. Les victimes peuvent demander à participer dès les premières phases d’une affaire, en tant que parties à la phase d’investigation, avant que des individus suspects n’aient été identifiés en vue de leurs arrestations. Cela permet aux victimes de fournir à la Chambre Préliminaire des informations indépendamment du Procureur.
L’étendue de la participation réside sur la nouvelle jurisprudence de la Cour concernant les modalités de participation des victimes dans l’affaire contre Lubanga. Les modalités de participation des victimes ont été limitées. Cela est dû au fait que les victimes participent de façons anonymes. De façon à respecter les droits de l’accusé, qui est peut être innocent, les victimes participant anonymement ne peuvent présenter de preuves directement liées aux crimes non inclus dans l’acte d’accusation.
Les représentants légaux des victimes ont été autorisés à présenter des discours d’ouverture et de clôture à l’audience de confirmation des charges contre Lubanga et n’ont pu faire d’autres interventions qu’à la discrétion des juges.
3. Protection : trois types de protection selon la CPI
Il existe trois types de protection, tels que décrits par la Section des Victimes et Témoins de la Cour. Ces types sont :
1. La prévention ;
2. Les Mesures de Protection fournies par la Cour ;
3. Le programme de protection de la Cour.
1. Prévention : La première règle concernant la protection est de protéger l’identité de la victime ou du témoin. C’ est la meilleure forme de sécurité. L’anonymat est une mesure qui n’a pas son pareil. Des procédures en accord avec les meilleures pratiques pour la gestion des victimes doivent être adoptées afin de protéger les victimes, ainsi que ceux chargés de les assister, les ONG intermédiaires qui autrement risqueraient d’être mise en danger si elles sont perçues comme étant en liaison avec la CPI ;
2. Mesures de protection de la Cour : Ce sont des mesures accordées par la Cour en vue de protéger l’identité des victimes et témoins tout au long du procès. De telles mesures incluent le recours à des pseudonymes, la possibilité pour les victimes de participer via des représentants légaux, etc. Il n’est pas anticipé que les victimes viennent à la Haye en personne, néanmoins, si cela devait se produire, des mesures existent pour assurer des sessions fermées au public, ainsi que d’autres moyens de protéger l’identité de la victime. Il n’est pas certain que les victimes soient en mesure de rester anonymes vis-à-vis de l’accusé tout au long du procès. Il se peut qu'à un moment donné l’accusé soit autorisé à connaître le nom de la personne qu’il est supposé avoir heurtée. Néanmoins, l’identité des victimes ne pourra en aucun cas être divulguée à l’accusé sans leur accord et celui de leur représentant légal. Jusqu’à présent, toutes les victimes participent de façon anonyme vis-à-vis du public et de l’accusé ; seul l’accusation et les juges peuvent voir leurs noms et autres détails, qui autrement sont « rédigés » (supprimés) de tous les documents de la Cour par les agents de la Greffe ;
3. Programme de protection de la Cour : La Cour opère un programme de protection des témoins et a indiqué que si les victimes participantes font l’expérience ou sont exposées à de sérieux risques, ces risques seront mesurés de la même façon que pour les témoins de la Défense et de l’Accusation qui témoignent. Si, après examen, risque sérieux pour la sécurité est établi, des mesures existent pour assurer une protection. Ces mesures incluent dans les cas les plus extrêmes la relocation vers d’autres régions ou pays. A ces fins, la Cour a négocié un certain nombre d’arrangements de relocations auprès de pays tiers.
4. Représentant légal et aide juridique
Un exposé a été fait sur le droit des victimes à une assistance juridique conformément avec les règles de Procédures et de Preuves de la Cour, ainsi que ses Régulations. Les victimes peuvent être représentées par un conseil de leur choix, qui peut être financé par une ONG ou par la victime elle-même. Néanmoins, le conseil doit faire partie de la liste de conseils approuvée par la Cour. N’importe quel conseil que la victime choisit peut être ajouté à la liste s’il satisfait les critères minimums mis en place pour assurer un contrôle de qualité. Ces conditions incluent au moins dix ans de pratique ou d’expérience pertinente. De plus, il y a la possibilité qu’un conseil avec seulement cinq ans d’expérience puisse être engagé en tant qu’assistant conseil travaillant auprès du conseil principal. Cela peut permettre que l’un des conseils soit un national du pays de la situation, basé à une distance raisonnable de son ou sa client(e), et que l’autre soit à la Haye.
La Cour a aussi la possibilité de financer des « représentants légaux communs » c’est à dire des personnes représentant un groupe de victimes. Le même format s’applique concernant les conseils principaux et les assistants conseils. Ainsi, si un conseil souhaite représenter un groupe de victimes, et satisfait les conditions pour être sur la liste des conseils ou d’assistants conseil, les honoraires peuvent être couverts par la Cour. Une telle aide juridique a déjà été allouée dans le cas d’une avocate congolaise représentant un nombre d’enfants victimes. De plus, il existe un Bureau du Conseil Public pour les Victimes qui est mandaté pour assister, supporter et potentiellement représenter les victimes directement en l’absence de conflit d’intérêt.
Les mineurs en dessous de 18 ans sont automatiquement considérés comme indigents et ayant droit à l’aide juridique. Néanmoins, toutes les autres victimes doivent satisfaire une enquête sur leur situation financière après avoir complété un formulaire d’aide juridique, désormais disponible auprès de la Section de la participation des victimes et des réparations (SPVR).
5. Réparations et le Fond au Profit des Victimes
Il a été souligné au début que les victimes ont droit à des « réparations ». D’après le Droit International, les réparations sont un concept plus large que celui communément utilisé d’ « indemnisation ». Les réparations englobent la restitution, la réhabilitation, l’indemnisation, la satisfaction, les garanties de non répétition. Ainsi, des mesures non pécuniaires peuvent être allouées comme moyen de réparation.
Les réparations peuvent être individuelles ou collectives. Néanmoins, elles doivent être demandées de façons individuelles à la Cour mais peuvent être allouées collectivement en faveur d’un projet, d’un service public, d’un monument ou d’une autre initiative qui apporte une réparation à un groupe de victimes. Là aussi, la Cour a conçu un formulaire à cette fin qui peut être obtenu auprès de la Section de Participation et de Réparation des Victimes(SPRV) qui son bureau aussi à Kinshasa.
Généralement parlant, il y a trois types de réparations qui peuvent être accordées :
a) L’allocation d’une somme peut être faite contre une personne condamnée, en faveur d’une victime ou collectivement pour un groupe de victimes identifiées ou non dans le jugement final. Les capitaux appartenant à la personne condamnée seront saisis à cet effet et transférés au Fond au Profit des Victimes (FPV). Si la personne condamnée n’a pas de capitaux, ceux ci peuvent être complétés par le Fond au Profit des Victimes qui peut recevoir et solliciter des contributions volontaires. Le Fond est ouvert aux donations depuis 2005 et a jusqu’ici reçu environ 1.6 million d’Euros.
b) Si la Cour n’alloue pas elle-même de réparations aux victimes à la fin d’une affaire, ou n’identifie pas les bénéficiaires, le Conseil de Direction du Fond au Profit des Victimes peut consulter les victimes, experts et autres afin de déterminer les modalités de dépense de la somme allouée, à sa discrétion.
c)Avant la fin d’une affaire, le Conseil de Direction peut utiliser les fonds en vue d’un but spécifique qui n’est pas strictement parlant « réparatif », s’il le considère « nécessaire afin de fournir une réhabilitation physique ou psychologique ou encore un support matériel au profit des victimes ou de leurs familles. » Afin de réaliser de telles activités, le FPV doit tout d’abord notifier la Chambre de ses conclusions, et la Chambre doit ne pas avoir indiqué qu’une telle activité serait contraire aux principes d’un procès équitable ou préjudiciable.
III. Débat
Après l’exposé plusieurs questions ont été posées et bon nombre de préoccupations soulevées sur le fonctionnement et la saisine de la CPI, droits des accusés, la problématique de mandat d’arrêt contre Jean Pierre BEMBA, la différence entre la CPI et d’autres tribunaux spéciaux, le rôle des témoins à l’instar de celui des victimes dans la procédure, la libération de Thomas LUBANGA,…
D’une manière générale et succincte, nous avons rencontré les préoccupations des participants à ces termes :
1. Les pays ayant ratifiés le statut de Rome peut demander au procureur d’ouvrir une enquête (c’est le cas de la RDC avec le chef de l’Etat Joseph KABILA en mars 2004), le procureur de son propre chef avec l’accord des juges de première instance et le conseil de sécurité de l’ONU (C’est le cas avec le Soudan dans la crise de DARFOUR)
2. Citant Pascal THURAN, conseillé à la coopération au bureau du procureur à la CPI, nous avons souligné aux participants que le choix de pays pour arrêter Jean Pierre BEMBA n’a aucun impact sur son arrestation. Le Portugal, la Belgique tout comme la RDC ont tous ratifié le statut de Rome, par conséquent son extradition se ferait toujours au cas où même ; il rentrerait au pays. Quant au moment mal choisi pour exécuter le mandat contre lui, il faut noter qu’aucun moment choisi serait le bienvenu. On contesterait toujours. Par ailleurs, les enquêtes se poursuivent encore en RCA et que ça serait prématuré d’admettre que d’autres suspects ne seront pas poursuivis,…
3. La CPI est différente des tribunaux pénaux internationaux (Arusha pour Rwanda, Sierra Léone et ex-Yougoslavie) principalement par sa permanence et le droit de participation à la procédure qu’elle accorde aux victimes à tous les stades (Examen préliminaire, phase préliminaire, procès et appel)
4. La décision de la libération de Thomas LUBANGA prises par les juges de la chambre préliminaire I vient d’être suspendue par les juges de la chambre d’appel sur demande du procureur
5. Les droits des accusés sont protégé par le statut de Rome en son article 67 : être informé de la teneur des charges dans la langue qu’il comprend mieux, disposer de temps suffisant à la préparation de sa défense, être jugé sans retard excessif, se défendre lui-même ou se faire assister de défenseur de son choix, obtention de la comparution et l’interrogation des témoins en charge comme en décharge…
Commencé à 14 h 00 la conférence a pris fin à 16 h 00 devant une cinquantaine des participants
Sources :
• Statut de Rome de la CPI Cour pénale internationale;
• Règlement de procédure et de preuve ;
• Pour mieux comprendre la Cour pénale internationale ;
• La lettre de la CPI, Avril 2007
• Mettre en œuvre les droits des victimes, Principes fondamentaux et directives concernant le droit à un recours et à réparation des victimes, Mars 2006, The Redress Trust, 87 Vauxhall Walk, 3rd Floor, London ;
• Rapport d’activités de la Lipadho, exercices 2007, janvier 2008 ;
• Différentes conférences organisées par Redress et Lipadho en Ituri et Beni, Mars 2007
lundi 14 juillet 2008
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