Dès lors, tout se faisait au nom du «PF» qu’il fallait remercier pour toute initiative. C’est de la sorte que même un cordonnier devrait, pour expliquer son travail, d’abord prendre soin de remercier le guide pour la paix qu’il avait instaurée au «Zaïre» et d’ailleurs sans laquelle il ne pouvait réparer des chaussures, ni les nettoyer. Grâce à la Mopap (Mobilisation, propagande et animation politique), ce genre de remerciements était étalé dans tous les domaines de la vie et abondaient sur la place publique et parfois même sans aucune conviction. Tout était fait au nom du «Président-fondateur».
Au même moment, dans chaque manifestation officielle, la danse était au rendez-vous pour «honorer le Guide et lui exprimer l’amour». Des personnalités politiques, quelles que soient leurs fonctions, versaient dans la danse en public en guise de reconnaissance envers le «guide éclairé». Seules quelques rares personnalités réussissaient à échapper à cette messe politique dite au nom du «PF». Les slogans inventés pour «honorer le Guide» ne se comptaient plus. Mais, chose curieuse, nombre des mobutistes ne jurent plus aujourd’hui que par la kabilie qu’ils entretiennent avec un brain de mobutisme d’autrefois.
Aujourd’hui, les danseurs du mobutisme semblent avoir cédé la place aux «chantres de la kabilie». Sans conviction du tout, comme hier, dans tous les discours officiels, on retrouve toujours «la révolution de la modernité». Même là où on ne devrait pas en parler. Tout comme hier, il fallait obligatoirement trouver une place pour insérer la formule «cinq chantiers». Même lorsqu’une assistance est apportée à une case, on parle toujours de «révolution de la modernité» alors que cette modernité est à mille lieues de la case. Quand on colmate un trou ou qu’on jette du sable, là aussi on parle de la «révolution de la modernité».
Pourtant, certaines affiches tentaient de faire voir ce qu’est la révolution de la modernité en montrant un train ordinaire est en voie d’être remplacé par un «TGV» (train à grande vitesse). Une case remplacée par une bâtisse moderne permet de parler de «révolution de la modernité». Des artères léguées autrefois par le colonisateur belge, lorsqu’elles sont remplacées par des routes modernisées, on est bien dans la révolution de la modernité. Mais, enlever quelques immondices à la manière ou placer une poubelle incapable de contenir les ordures dégagées, cela ne doit nullement être confondu avec la «révolution de la modernité».
Il suffit de suivre des reportages officiels à la télévision pour se rendre compte jusqu’à quel point la «révolution de la modernité» est parfois tournée en dérision par bien des responsables. Logiquement, pour qu’il y ait modernité, il faut d’abord qu’il y ait normalisation. Dès lors, tout ne doit pas entrer dans la rubrique modernité au risque de desservir la politique prônée par le Raïs. Il y a des choses qui méritent une normalisation avant de songer à leur modernité. Sinon, on serait en plein dans la carricaturisation d’une initiative pourtant louable et susceptible de conduire vraiment la Rd Congo vers l’émergence.
Il faut donc tracer une ligne de démarcation entre ce qui est rangé dans la normalisation et ce qui peut tendre vers la modernité. Sinon, quelqu’un habitué à boire de l’eau puisée dans un trou, pourrait parler de modernité une fois qu’il aura eu l’occasion de consommer de l’eau en sachet ou en bouteille. S’il est vrai qu’il a quelque peu évolué, mais c’est plus du côté de la normalisation que de la modernité. Le fait, par exemple, de prendre place à bord d’un taxi-bus dont le nombre des places est limité par le constructeur ne ressort pas de la modernité, mais de la normalisation. Le fait de monter seul dans un taxi n’est pas rangé dans la modernité, mais bel et bien dans la normalisation d’une vie.
On peut multiplier des exemples à l’infini pour se rendre compte qu’il y a une confusion du genre entre normalisation et modernité. Cette confusion risque, à la longue, de ternir la vision de la «révolution de la modernité» pour n’en présenter qu’une forme caricaturale. Il est donc temps, qu’au-delà du zèle, il y ait du vrai dans certains discours.
Marcellin MANDUAKILA